C'est à Constantin HERING que l'on doit la première pathogénésie du venin de Lachesis mutus. Mais d'abord, qui était ce médecin ?
C. HERING a marqué profondément l’histoire de l’homéopathie et c’est à lui que l’on doit l’introduction de ce qui était alors une «nouvelle médecine» aux U.S.A.
L’histoire raconte qu’à 20 ans, C. HERING était étudiant en médecine à Dresde, en Allemagne (qui n’était pas encore unifiée, Bismarck n’avait que 5 ans!). Il était déjà l’assistant d’un chirurgien très célèbre, le Pr ROBBI, un temps favorable à l’homéopathie, puis devenu l’un de ses critiques. Dix ans après la parution de “l’Organon de l’Art de guérir” de HAHNEMANN, l’homéopathie faisait l’objet de polémiques acerbes, ce qui d’ailleurs a peu changé ! Le Pr ROBBI a été sollicité pour écrire un article documenté sur l’homéopathie dans le but de la déconsidérer. ROBBI chargea le jeune HERING de cette tâche. HERING mit en application les qualités que tous se plaisaient à lui reconnaître. Il commença par étudier différents ouvrages, dont les publications de HAHNEMANN. Et c’est ainsi que petit à petit, il vérifia les affirmations de ce dernier, il refit sur lui-même l’expérimentation de la teinture de quinquina. Et ainsi l’homéopathie lui apparut-elle comme «logique» et «vraie». Il en fait part à son entourage, on le traite de fou, il est alors l’objet de railleries. Un jour, il se voit désigner pour pratiquer une autopsie. Il se fait une petite blessure à l’index droit. Cette petite plaie s’infecte, le doigt enfle, puis la main et le bras avec des ganglions à l’aisselle. «J’eus ainsi l’occasion d’observer sur moi-même cette maladie appelée: infection par dissection, qu’on appelait encore «plaie anatomique», affection contre laquelle les sangsues, le calomel et le nitrate d’argent s’étaient révélés impuissants. Mon chirurgien proposa l’amputation de la main». On imagine l’état d’esprit d’un jeune chirurgien à l’idée de cette amputation. «C’est alors après plusieurs jours de douleurs et de tourments, sans parler de l’inquiétude qui me gagnait, que je fus sauvé par un jeune homéopathe, un des premiers élèves de HAHNEMANN, qui me persuada d’essayer ARSENICUM ALBUM à un dosage parfaitement ridicule. Sans conviction, mais devant la situation qui s’aggravait, j’acceptai néanmoins, cependant fort sceptique pour moi-même, quoique mes lectures faites sur les résultats de l’homéopathie m’intéressaient tous les jours davantage». HERING prend alors ce médicament déjà connu comme «mort aux rats» et la guérison se produit. «Aujourd’hui, j’ai bel et bien mon doigt guéri, complètement guéri». C’était étonnant à plus d’un titre: d’abord il y a avait la posologie inhabituelle qui faisait comme aujourd’hui l’objet de railleries et de critiques. Ensuite, à cette époque, il n’était pas classique d’utiliser un médicament par voie générale pour une plaie externe.
Et c’est ainsi que HERING décide de consacrer à l’homéopathie, non seulement son doigt sauvé ou sa main, mais son corps et son âme. «Et c’est à moi cependant qu’on cornait aux oreilles que l’homéopathie était morte et n’était qu’une escroquerie» !!!
HERING travaille ensuite avec HAHNEMANN, puis part en Guyane en 1827, il y exerce l’homéopathie et se consacre à la recherche. Notamment, il réalise la pathogénésie de LACHESIS, il en garda des séquelles jusqu’à la fin de sa vie. Il s’installe aux U.S.A. et crée en 1835 la première institution d’enseignement homéopathique, puis en 1848 il fonde à Philadelphie «The Hahnemann medical college», avec hôpital. Outre ses recherches pathogénétiques, il publie un énorme ouvrage de Matière médicale: «The Guiding symptoms» en dix volumes.
C'est en 1828 que C. HERING fit l'expérimentation du venin de ce serpent. Il s’agit d’un serpent crotalidé appelé “mutus” (ou “muta") parce qu’il n’émet aucun son. On l'appelle aussi "Lachesis trigonocephalus". Il vit en Amérique Centrale ou du Sud, en Amazonie, mesure 2 mètres et est particulièrement dangereux. On utilise son venin, qui comprend des composés métalliques et des substances organiques responsables des effets toxicologiques et pharmacologiques = phospholipase A2, amines vaso-actives, bradykinine, acétylcholine, enzymes protéolytiques et clorase (enzyme à action thrombine-like).
HERING a fait l’expérimentation sur lui-même et a souffert tout le restant de sa vie de quelques effets néfastes. La simple manipulation du poison l’a déjà intoxiqué = fièvre avec délire et excitation maniaque. Par la suite, il n’a plus jamais pu supporter les cols cassés et serrés que l’on portait en ce temps.
Alain HORVILLEUR souligne la loquacité incohérente de ce médicament qui contraste avec le fait que l’on appelle ce serpent le Lachesis “muet” ou "mutus"!
L'action du venin provoque:
=> des troubles circulatoires:
* vaso-dilatation et augmentation de la perméabilité capillaire d’où des oedèmes avec hypotension...
* micro-thromboses locales entraînant des phénomènes de nécrose...
* hémorragies avec syndrome de coagulation intravasculaire locale ou disséminée..
* hémolyse (due à la phospholipase A2).
* coagulopathie de consommation (due à la clotase).
=> des troubles rénaux consécutifs:
* insuffisance rénale fonctionnelle et organique.
* syndrome inflammatoire avec contraction des muscles lisses
* phénomènes douloureux.
Commentaire d'Alain HORVILLEUR
L’action toxicologique confirme les œdèmes, la tendance hémorragique, avec nécrose profonde et d’importants troubles septiques.
L’action sur le système nerveux se fait en deux phases, excitation et dépression, alternant dans la même journée.
Dans les troubles aigus:
Suite de:
Dans les cas chroniques:
Suite de:
Alternance d’excitation (vespérale) et dépression (matinale):
=> Excitation
=> Dépression:
Les signes et symptômes généraux:
INTOLERANCE A LA CHALEUR, surtout confinée
Bouffées de chaleur, notamment lors de la péri-ménopause.
HYPERESTHESIE TACTILE GENERALE = intolérance à toute constriction, notamment au cou et à la taille..., intolérance au toucher, surtout dans les affections aiguës... Hyperesthésie à la lumière, au bruit...
SENSATION DE BATTEMENTS dans les régions enflammées = céphalée battante, battements au niveau des hémorroïdes...
Sensations de brûlure, de poids au vertex, de yeux tirés en arrière, de constriction à la gorge, au niveau du coeur...
Sensation de boule à la gorge, à la vessie, à l’anus...
LATERALITE GAUCHE dominante, ou troubles évoluant de gauche à droite
Ci-contre deux dessins des Dr Nowack et N'Guyen
Les modalités générales:
AGGRAVATION: <
AMELIORATION: >
LACHESIS MUTUS
LES SIGNES BUCCO-DENTAIRES
Voici ce que disent les matières médicales:
ETUDE CLINIQUE
(d'après Henri VOISIN)
LA FEMME LORS DE LA MENOPAUSE = hypo-ovarie
Il faut parler de "périménopause" ou de "ménopause climatérique". Car Lachesis "couvre" toutes les étapes cliniques de l'arrêt des menstruations.
On retrouve les signes suivants, plus ou moins marqués selon les femmes = palpitations avec angoisse cardiaque, bouffées de chaleur, céphalée congestive aggravée au soleil et par la chaleur, quelques ecchymoses spontanées sur les cuisses, des cauchemars, de la lassitude et de la mélancolie au réveil. Par contre, besoin de veiller et de s'activer le soir et dans la première partie de la nuit = c'est l'une des grandes caractéristiques de ce médicament => dépression matinale et excitation vespérale d'où = taciturne, triste, très peu bavarde le matin dès le réveil et particulièrement active, bavarde (loquacité un peu incohérente) le soir.
Ces femmes sont particulièrement intolérance à la chaleur sous toutes ses formes et ne supportent pas les vêtements serrés, en particulier au cou et à la taille. Mais tous les symptômes sont aggravés juste avant les règles et sont nettement améliorés avec l'apparition du flux et d'autant plus qu'il est abondant = c'est l'un des modalités caractéristiques du remède = l'amélioration par un écoulement physiologique ou pathologique et l'aggravation par l'arrêt d'un écoulement. C'est pour cette raison que la ménopause constitue une période particulièrement importante dans Lachesis, avec les différents tableaux selon le stade évolutif de ce phénomène physiologique.
En dehors de la castration chirurgicale, la ménopause évoluant par paliers (ménopause climatérique), les muqueuses gingivale et buccale présentent différents troubles pathologiques au gré de l 'état général et dun stade évolutif. La diminution des hormones sexuelles entraîne une atrophie de l'épithélium gingival, une involution des acini des principales glandes salivaires, le tout aboutissant à une gingivite érythémato-oedémateuse desquamative avec hyposialie, cette dernière pouvant être à l'origine de douleurs brûlantes. Les répercussions cardio-vasculaires expliquent les gingivorragies. Dans certains cas, les troubles du comportement retentissent sur la pathologie buccale, par exemple les douleurs constituent des stomatodynies, et l'inefficacité des traitements chimiques entraîne petit à petit une véritable cancérophobie (THUYA). Enfin, le ralentissement endocrinien peut expliquer l'évolution de la gingivite en une véritable parodontopathie avec des poches suppurées, alvéolyse, dénudation gingivale, etc ...
LACHESIS couvre toute cette période, parfois au début associé à SULFUR, qui supporte mal les blocages éliminatoires, puis par d'autres remèdes selon la symptomatologie. Au début, la patiente peut venir consulter pour des gingivorragies abondantes les jours précédents les règles, qui disparaissent avec elles. Ou pour une aphtose buccale ou pour une gingivite érythémateuse.
La répétition de ces troubles buccaux à chaque période menstruelle est caractéristique de Lachesis. Et l'on constate une aggravation progressive au fur et à mesure que la ménopause s'installe, c'est-à-dire dès que le flux se tarit.
Ensuite, progressivement, la gingivite devient de plus en plus ulcéreuse. Si les causes locales le permettent, une ou plusieurs poches peuvent apparaître, avec une tendance à la suppuration, dans un contexte de gingivite ulcéreuse hémorragique. Théoriquement, il devrait exister une latéralité gauche prédominante, qui reste à vérifier par des radiographies panoramiques lorsque l'alvéolyse a commencé.
Donné en temps utile, LACHESIS donne d'excellents résultats, souvent spectaculaires sur l'état buccal. Bien entendu, les troubles buccaux sont rarement isolés, il est donc normal de demander la collaboration du médecin.
L'ALCOOLIQUE, et à plus forte raison la femme alcoolique !
Quel que soit le sujet, on doit retrouver les alternances de dépression matinale et d'excitation vespérale.
L'alcoolique "Lachesis" a le plus souvent une face chaude, couperosée et rouge, les lèvres pourpres ou violacées. Il souffre de vertiges, de tremblements des des mains ou des membres, la parole est parfois bredouillante.
A l'évidence, les troubles hépato-digestifs sont présents, de même que des troubles respiratoires (dyspnée à l'effort, éréthisme et faiblesse cardiaque), parfois une tendance paralytique des membres inférieurs avec douleurs et raideur.
Comme la ménopausique, l'alcoolique a des bouffées de chaleur à la face, de l'intolérance à la chaleur et à la constriction, voire même au contact des vêtements au niveau de la taille et du coup (il garde le cou dégagé, le col de chemise déboutonné, le pantalon lâche à la ceinture). On retrouve l'aggravation de tous les signes au petit matin et dans la matinée, et une amélioration le soir et au début de la nuit.
L'appétit est capricieux, habituellement diminué mais l'alcoolique a une grande soif et en particulier de boissons alcoolisées, ce qui est un e évidence. D'où à la longue une hypertrophie du foie, des nausées, du hoquet, des vomissements, des douleurs crampoïdes au creux de l'estomac avec une grande sensibilité de l'épigastre et de l'hypocondre droit au moindre contact. Il y a aussi une constipation opiniâtre (selles fétides, hémorroïdes procidentes, saignement abondant, pire pendant les efforts et parfois une diarrhée fétide et irritante.
Le comportement reflète les deux phases = le soir, l'alcoolique parle d'abondance, dit n'importe quoi, voire délire un peu, il peut aller jusqu'à des hallucinations auditives. Le matin, la confusion mentale prédomine, le sujet bredouille, est de mauvaise humeur, etc...
L'état de la bouche exprime le degré de la dégradation alcoolique = au début, on constate une simple gingivite qui devient hémorragique (gingivorragies contemporaines ou faisant suite à des phases de congestion hépatique et portale). Puis le tableau bucco-dentaire évolue vers l'aggravation, d'autant plus que l'hygiène bucco-dentaire est souvent négligée = le tartre devient abondant, la gingivite ulcéreuse évolue vers une véritable maladie parodontale avec des lésions importantes et des pertes de dents.
ATTENTION A L'HYPERTENDU AU CABINET DENTAIRE:
Lachesis est un médicament important de l'hypertension artérielle avec ses symptômes habituels comme les bouffées de chaleur, la céphalée congestive occipitale ou temporale (pire du côté gauche), l'éréthisme cardiaque, les papitations, etc...
Il est évident que le chirurgien-dentiste n'est pas en charge de ces problèmes mais il doit en tenir compte = les gingivorragies sont fréquentes et peuvent soulager quelque peu l'hypertension. Il y a surtout le risque d'hémorragie post-opératoire et il est nécessaire de demander l'avis du médecin traitant.
Comme chez la femme lors des périodes menstruelles et durant la ménopause climatérique, il est utile de donner LACHESIS 7 CH une fois par jour chez un alcoolique lors de chaque intervention chirurgicale bucco-dentaire, en particulier s'il existe une tendance à l'hypertension artérielle.
Les hémorragies sont un trait caractéristique de tous les troubles justiciables de Lachesis = elles sont dues à des troubles des parois vasculaires et de la crase sanguine. Mais, elles peuvent, dans certains cas, soulager l'hypertension artérielle et il convient d'adopter une attitude de prudence avant d'entreprendre un traitement.
CONCLUSION
Lachesis est l'un de ceux que les homéopathes appellent "des polychrestes", c'est-à-dire des médicaments d'action générale profonde.
Pour ce qui concerne le chirurgien-dentiste, certains troubles habituellement évolutifs peuvent être très nettement améliorés, voire guéris à condition que la prescription se fasse en temps utile. Nous avons vu à maintes reprises des mobilisations dentaires avec une maladie parodontale débutante s'amender très rapidement après quelques prises de Lachesis.