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PRATIQUE ET LIMITES DES SIGNES MENTAUX


Docteur Michel GUERMONPREZ

Si les signes mentaux n'avaient pas leur place dans le traitement de tous les malades, serions-nous homéopathes ?


            Hahnemann, dans les § 206, 211, 216 de l'Organon affirme l'importance des signes mentaux et l'existence de "maladies défectives" qui sont réduite au mental à l'exclusion d'expression somatique.


            L'homéopathie se refuse, seule parmi les écoles de la pensée médicale, à établir une dépendance ou une hiérarchie entre physique et mental


            En effet, la psychosomatique établit une dépendance des signes physiques au mental dans les maladies qu'en nombre limité, elle estime de sa compétence. Les signes mentaux, qui ne sont pas nécessairement psychosomatiques, sont beaucoup plus souvent utilisés par l'homéopathie que les signes indiscutables de maladie mentale, et ce, même en psychiatrie homéopathique. Ils ont leur place dans toutes les observations.


            Toute pathologie est globale et inclut donc des signes mentaux ou une modification temporaire du mental. Mais ce n'est pas toujours évident et des verrues de l'enfant ne s'accompagnent pas en général de manifestations obsessionnelles ni un rhume de désespoir existentiel. Cependant, dans les troubles les plus bénins, on peut repérer la variation du mental, ne serait-ce qu'à travers la manière dont le malade expose son cas. Exemples:


  


Dans les maladies aiguës, les modifications du mental sont parfois les plus significatives. Leur constatation influence le choix du remède et la dilution:


  


Dans les maladies durables, mais bénignes, les facteurs affectifs sont le plus souvent en cause. C'est à eux que nous avons affaire dans les consultations courantes.

 

Rappelons à ce propos la classification un peu désuète des catégories du mental, sachant ce qu'elle a d'artificiel et de suranné, mais elle garde son caractère pratique:


  


            Il est évidemment plus facile de demander à son patient s'il est émotif ou s'il a des contrariétés que de l'inviter à dire s'il est intelligent ou s'il est paresseux.


Dans les maladies chroniques, tous les signes mentaux interviennent et il faut leur ajouter les signes de comportement dont la fiabilité est toujours supérieure au discours du patient. Ils ne supportent pas le double biais du mensonge ou de l'erreur à l'émission du message, puis de l'erreur lors de la réception par le médecin qui interprète les dires du malade à sa propre manière.


Dans les maladies somatiques, le mental doit être étudié deux fois.


            La hiérarchisation des signes que je préconise et que j'utilise place dans tous les cas en première ligne et de façon privilégiée le symptôme principal. On évitera ainsi de guérir l'eczéma d'un patient qui consulte pour une périarthrite ou les verrues de celui qui se plaint de dépression. Car il est faux de prétendre qu'un similimum guérit tout.


Le ou les signes mentaux associés à ce signe principal répondent à la plus importante exigence hahnemannienne: ils sont apparus ou ont été modifiés par la maladie et à cause d'elle:


A l'occasion d'un rhume, le patient se lève de très mauvaise humeur et le fait brusquement ressentir à l'entourage = Nux vomica. Pour le même rhume, le patient se sent confus, le tête comme pleine = Gelsemium


La colère d'un enfant accompagne une diarrhée, il trépigne et se jette par terre = Chamomilla;

à l'occasion de la même diarrhée, il pâlit et repousse les caresses = Cina. Il ne dit rien et l'entourage le qualifie de stoïque = Bryonia.


Un de mes patients conservait précieusement les squames les plus spectaculaires de son psoriasis généralisé pour mes les apporter afin de m'éclairer sur son cas = Arsenicum album. Je précise qu'il n'en avait pas le type sensible et qu'il se montrait par ailleurs insouciant et peu soigné => Arsenicum album n'avait le signe mental que dans son rapport au seul psoriasis.

            Dans les maladies chroniques, la suite de l'observation concerne l'étude de l'ensemble du cas. Le fond mental, le caractère et non seulement l'humeur du moment, émergent de l'extension à la totalité des signes. Des signes mentaux apparaissent seulement alors, certes précieux, mais qui ne concernent pas peut-être pas l'immédiat du traitement. Par exemple:


Un sujet Lycopodium par toutes ses manifestations générales et permanentes peut fort bien souffrir d'abcès à répétition justiciables de Sulfur.


Une femme régulièrement confuse, bavarde et peu cohérente au moment des règles ne tire aucun bénéfice d'Actaea racemosa si elle consultait pour une dorsalgie haute présentant les modalités de Kalium carbonicum et surtout la lassitude propre à ce remède en raison de la souffrance.


            Cette fréquente double indication des signes mentaux est la cause de nombreux échecs. Dans les maladies psychosomatiques, le physique doit être recherché, selon la recommandation d'Hahnemann lui-même. L'importance des signes mentaux n'est pas sans poser des problèmes fondamentaux.


            Leur origine est rarement pathogénétique, et jamais avec les nuances de la matière médicale. Il s'agit de faits d'observations, évoqués dès Hahnemann lorsqu'il décrivait le comportement de Pulsatilla, par exemple. Mais l'observation ne suffit pas à rendre compte de l'exceptionnelle richesse de notre discipline en signes mentaux. On remarquera que ces signes sont en accord logique avec les signes somatiques, qu'ils en représentent une version abstraite = Sulfur règne sur l'imaginaire, mais n'est-il pas le plus riche en signes somatiques interchangeables ? Les faiblesses et les défaillances organiques de Kalium carbonicum ne sont-elles pas en accord logique avec la peur de la maladie et avec la restriction de ses intérêts, comme quand on se sent vieillir ? Une pensée ne peut manquer d'effleurer celui qui réfléchit à cette belle cohérence: n'a-t-elle pas été inventée ? La tentation de la logique n'a-t-elle pas présidé à l'élaboration de ces signes mentaux trop accordés à l'ensemble de la pathogénésie ? La symbolique traditionnelle y a aussi sa part, les "bilieux" de l'époque alchimique n'étaient-ils pas décrits avec les caractères de Lycopodium ? Le vif argent n'est-il pas le mercure ? Le sel est le symbole de l'Alliance comme Natrum muriaticum préside aux difficultés du passage à l'âge adulte. On n'en finirait pas de dépister les références à une symbolique dont les premiers homéopathes étaient imprégnés malgré leur volonté explicite de rationalité. L'alchimie se mourait au temps d'Hahnemann, elle n'était pas encore disparue.



Le médecin dans l'observation


            La référence délibérée à la logique interne, l'influence inconsciente de la symbolique universelle montrent que la référence à la seule expérimentation humaine n'est pas la source unique des connaissances homéopathiques. L'influence du médecin dans la relation est une forte évidence, mais une certaine forme d'identification du médecin à son patient n'est pas exceptionnelle non plus. La projection du climat émotionnel du médecin sur le patient ne peut être évitée, même quand le praticien, en alerte ou psychanalysé, en a conscience. Chaque malade est pour nous un miroir déformant où nous nous efforçons de découvrir inconsciemment, avec la vérité du patient, et en quelque sorte imbriqué à elle, un fragment de notre propre contenu mental. Lorsqu'on a trop souvent prescrit, dans une journée de consultations, le même remède riche en signes affectifs, Ignatia, Nux vomica, Staphysagria ou Arsenicum album, cela signifie qu'on doit le prendre soi-même le soir.


            Ces considérations dévalorisantes sur l'objectivité et le caractère scientifique de notre pratique ne signifient pas qu'il faut se désintéresser des signes mentaux comme certains voudraient le faire croire pour populariser l'homéopathie.