L’ENFANT « SULFUR » :
Il faudrait parler plutôt « des enfants SULFUR » car ce médicament tient une place prépondérante dans la Matière médicale (on dit volontiers qu’il est celui qui a le plus de symptômes). Sa prépondérance révélée par l’expérimentation pathogénétique a encore été renforcée par le rôle qui lui a été attribué par Henri BERNARD, celui de chef de file d’une constitution minérale, la plus équilibrée, celle qui s’adapte le mieux au milieu de vie et qui réagit avec le plus d’efficacité aux facteurs d’agression inhérents à la vie. Nous avons traité largement de toutes ces conceptions dans des cours précédents et nous leur avons consacrées plusieurs publications.
Rappelons seulement les quelques éléments suivants. L’enfant SULFUR est le mieux armé génétiquement pour s’adapter et réagir aux conditions de vie. Si tout se passe normalement, les médecins et les chirurgiens-dentistes ne les rencontrent que très rarement. Le dentiste en a l’occasion lors de poussées d’aphtes buccaux sans spécificité et nous avons maintes fois souligné l’efficacité de SULFUR 15 CH une ou deux fois par mois.
Seulement, la vie quotidienne n’est pas toujours idyllique et des menaces pèsent sur chacun de nous. Et puis il y a le poids des facteurs héréditaires qui se distribuent différemment selon les individus, même ceux de la même fratrie. BERNARD l’avait bien observé car il a classé les sujets SULFUR en trois groupes :
1° groupe = SULFUR NEUTRE => les mieux équilibrés, ne posant que très peu de problèmes pathologiques. Ils trouvent dans le mode psorique un moyen de défense efficace en rejetant à la périphérie les éventuels déchets métaboliques qui les troublent.
2° groupe = SULFUR GRAS => pour des raisons héréditaires et en fonction du mode vie, ces sujets SULFUR NEUTRE au départ évoluent vers un type gras, parce qu’ils sont devenus sensibles aux facteurs de ralentissement métabolique. Ils ont alors une tendance à l’obésité par surcharge, par ralentissement métabolique, par imbibition hydrique. Bref, le mode psorique est devenu insuffisant et ils doivent mettre en œuvre le mode sycotique. C’est l’évolution de SULFUR vers CALCAREA CARBONICA, GRAPHITES, NATRUM SULFURICUM, THUYA etc… Chez eux, CALCAREA CARBONICA n’est pas le remède constitutionnel, mais seulement un remède occasionnel en fonction des troubles.
3° groupe = SULFUR MAIGRE => pour d’autres raisons que le type précédent, ces sujets deviennent sensibles aux facteurs déclenchant le mode tuberculinique. L’exemple le plus extrême est celui des famines, ou dans notre pays, celui de l’anorexie mentale ou des régimes aberrants.
Dans le cadre de ce présent sujet, seul l’enfant SULFUR GRAS sera étudié ici.
Roland ZISSU est sans doute l’auteur qui a le plus et le mieux étudiés ces problèmes dans sa « Matière médicale homéopathique constitutionnelle ». Cette monumentale étude a été écrite il y a déjà plus de 40 ans, elle grade encore beaucoup d’intérêt à condition que l’on fasse intellectuellement les ajustements imposés par l’évolution des conceptions des modes réactionnels, ainsi que le recommande l’auteur.
L'enfant "obèse" (suite et fin)
L’enfant SULFUR GRAS :
L’évolution de ce biotype est la sclérose, mais il est évident que celle-ci est très rare chez l’enfant. On constate seulement que cet enfant a tendance à grossir, qu’il évolue vers une obésité de moins en moins réversible. Sur le plan diathésique, on constate en clinique que les caractéristiques du mode psorique s’estompent, perdent en sthénicité et deviennent moins spectaculaires. Par exemple, on sait qu’un enfant SULFUR neutre réagit par des manifestations bruyantes sur le plan clinique, qu’il surmonte rapidement = au lieu de réagir par une poussée thermique brutale dans son apparition mais vite surmontée, du type ACONIT, l’enfant va faire une poussée thermique moins élevée mais plus durable. Autre exemple = les éruptions cutanées « sortent » mal lors des maladies éruptives de l’enfance, tendent à la suppuration (aiguë = HEPAR SULFUR – sub-aiguë = CALCAREA SULFURICA – chronique = SILICEA). R. ZISSU donne l’exemple de la rougeole, qui ne pose aucun problème chez le SULFUR NEUTRE (vite atteint, vite rétabli), mais qui atteint plus profondément le SULFUR GRAS = l’éruption ne « sort » pas, l’état général est plus atteint et les complications sont plus fréquentes. On pense alors à PULSATILLA, remède souvent impliqué dans les complications de la rougeole, autre enfant pouvant être gras. On retrouve encore ce médicament si l’enfant SULFUR GRAS présente quelques manifestations de congestion veineuse induites le plus souvent par l’insuffisance hépatique acquise par les conditions d’hygiène alimentaires. On retrouve alors LYCOPODIUM, PULSATILLA, voire THUYA.
Un autre point = les manifestations pathologiques deviennent torpides. La peau de SULFUR laisse ici la place à une peau sèche, malsaine, notamment si LYCOPODIUM pointe son nez ! ou apparaissent quelques verrues (c’est alors le tour de THUYA) ou enfin un eczéma peut survenir, présentant différents aspects, évoquant CALCAREA CARBONICA dans la meilleure occurrence ou PSORINUM dans les cas défavorables. On retrouve les éruptions péribuccales ou labiales déjà évoquées avec ANTIMONIUM CRUDUM ou GRAPHITES, dont la prédilection pour les orifices a été soulignée de même que la tendance à l’aspect croûteux et à l’exsudat mielleux. Une constatation est bien établie = un écoulement pathologique épais traduit une décompensation.
Chez cet enfant SULFUR GRAS apparaissent les manifestations lymphatiques que l’on voit plus volontiers chez l’enfant CALCAREA CARBONICA, en particulier les engorgements lympho-ganglionnaires, comme l’hypertrophie des amygdales, passant parfois par des suppurations aiguës, adénites suppurées. On peut aider avec HEPAR SULFUR, BARYTA CARBONICA ou SILICEA.
A droite = verrues plantaires de type Antimonum crudum que l'on peut voir chez l'enfant Sulfur gras ou Calcarea carbonica.
A gauche = eczéma type de Graphites que l'on peut voir chez l'enfant Sulfur gras ou
Calcarea carbonica
Comment explique-t-on cette évolution de SULFUR NEUTRE chez l’enfant vers SULFUR GRAS ? Il y a plusieurs causes qui conjuguent leurs effets. Le plus important des facteurs est le mode de vie sédentaire avec son corollaire d’excès alimentaires et d’une alimentation déséquilibrée. On imagine facilement un enfant fuyant les activités sportives de l’école ou des loisirs, passant volontiers son temps avachi devant la télévision à s’empiffrer de paquets de chips, ou de friandises largement arrosés de sodas sucrés.
On ne peut négliger non plus les vaccinations répétées, massives, imposées par la loi et les nouvelles habitudes à leur égard (mythe de la protection absolue). Sans prise en charge homéopathique pour minimiser leurs conséquences, elles sont très souvent à l’origine de la mise en œuvre du mode réactionnel sycotique. Il y a de plus et sans doute l’influence des facteurs héréditaires. Car, un enfant qui a tendance à évoluer vers le type gras tire bénéfice de THUYA, en préventif ou des les suites des vaccinations. Alors qu’un enfant tendant vers le type maigre bénéficie plus volontiers de l’action efficace de SILICEA dans la même occurrence.
Un autre facteur est intéressant. SULFUR NEUTRE affiche une indifférence totale vis-à-vis de la température ambiante. Il se fiche du temps qu’il fait. Il s’adapte sans difficulté à la température ambiante. Dans les deux autres cas, l’enfant devient frileux, le type gras surtout au froid humide, comme CALCAREA CARBONICA. D’où l’apparition, nouvelle chez cet enfant devenant gras, d’une pathologie ORL (coryzas, rhino-pharyngites, otites, bronchites…) influencée par le froid humide, facteur étiologique et modalité d’aggravation. Et au fur et à mesure que l’enfant se décompense, la torpidité et la chronicité signent le mode sycotique. Le nez bouché, les végétations adénoïdes qui se développent en même temps que s’hypertrophient les amygdales, la récidive des troubles, tout cela entraîne des conséquences thérapeutiques en médecine classique qui vont accélérer la décompensation = mauvais effets des suppressions (amygdalectomies, végétations…) et surtout l’antibiothérapie itérative tout au long de la saison froide.
On ne peut non plus oublier ici le rôle des problèmes psychologiques déjà évoqués plus haut. Ce sont tous les facteurs de frustrations, de déceptions, d’angoisses, tous facteurs psychologiques qui poussent à la boulimie, comme d’ailleurs parfois à l’anorexie.
Et qu’en est-il des problèmes dentaires ou buccaux ?
Alors que SULFUR NEUTRE ne voyait que très rarement son dentiste et alors à l’occasion de poussées d’aphtes buccaux, banals mais revenant de temps en temps, l’enfant devenu SULFUR GRAS viendra plus souvent. D’abord pour des douleurs dentaires par temps froid et humide, qui évoquent DULCAMARA, RHUS TOXICODENDRON, ARANEA DIADEMA ou encore RHODODENDRON, puis souvent NATRUM SULFURICUM qui devient alors un remède de fond.
Ces douleurs dentaires ne peuvent souvent s’expliquer par la présence de caries. Mais celles-ci peuvent apparaître dans une bouche jusque-là saine car les dents ont été bien minéralisées. On peut déplorer des caries délabrantes des dents de lait avec les complications apicales classiques, comme l’abcès dentaire = HEPAR SULFUR ou CALCAREA SULFURICA. On peut voir aussi des caries au niveau des collets. Il faut alors penser à CALCAREA CARBONICA ou même à THUYA, qui a encore une fois une action préventive sur le mode sycotique, aussi bien sur le plan général que bucco-dentaire.
Il peut arriver également de voir chez ces enfants devenus ou devenant « gras », une nouvelle tendance à la gingivite banale au début, parfois expliquée par le manque ou l’insuffisance de l’hygiène buccale ou encore sans explication par des facteurs buccaux. Si le rétablissement d’une hygiène suffisante ou si la suppression d’une cause locale ne suffisent pas à rétablir l’état normal de la gencive, et si l’on constate une tendance à l’hypertrophie de la gencive, hypertrophie avec des tissus plus durs, non spongieux comme lors de certaines gingivites, il faut alors se demander s’il n’y a pas là la manifestation d’une hypothyroïdie. Et naturellement, l’avis du médecin traitant sera demandé.
CONCLUSION
Si le sujet n’est pas encore épuisé, sa rédaction a tout de même largement entamé la résistance à la fatigue de son auteur qui souhaite donc conclure.
Nous concluons donc en rappelant notre conception de l’homéopathie, surtout exercée par un chirurgien-dentiste. Il existe plusieurs approches. On peut recevoir un patient, adulte ou enfant, et répondre seulement au problème présent que l’homéopathie peut résoudre, si elle est indiquée. On recherche les signes et symptômes présents et l’on essaye de trouver le médicament « homéopathique », c’est-à-dire celui qui « couvre » le cas. Si l’on est uniciste, on prescrit ce médicament seul. Mais il y a une autre conception, plus large et sans aucun doute plus ambitieuse, et parfois un peu utopique. Qui est ce patient, pourquoi a-t-il grossi, ou maigri, pourquoi a-t-il des aphtes en ce moment, pourquoi….
A toutes ces questions, l’homéopathie apporte parfois, pas toujours il ne faut pas rêver, une explication. La pathologie banale en elle-même le plus souvent, peut avoir une signification. Elle peut exprimer une manière de réagir à certains facteurs agressifs, ou devenus agressifs. C’est toute la conception des modes réactionnels. C’est notre conception de la pratique de l’homéopathie, même au cabinet dentaire.