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SEMIOLOGIE DES SENSATIONS

DE BRÛLURES BUCCALES

INTRODUCTION



            Les stomatopyrosis (pour faire savant) constituent une motivation de consultation du chirurgien-dentiste. Les causes en sont hélas multiples et ne sont pas toujours déterminées. Il peut s’agir d’une banale sensation isolée, ou d’un symptôme d’une maladie générale, ou encore d’une allergie, parfois à un métal utilisé dans les alliages dentaires à une substance présente dans un bain de bouche ou dans un dentifrice, ou dans un médicament. On constate aussi la fréquence des stomatopyrosis ou des glossopyrosis d’origine dépressive, l’une des formes cliniques des stomatodynies.  On peut voir encore des cas de sensations de brûlure buccale insérées dans divers troubles digestifs. Enfin, la sensation de brûlure peut être l’une des expressions d’une banale gingivite ou stomatite dite « érythémateuse » .


            Bien entendu, la détermination d’une cause facilite le traitement par suppression de celle-ci chaque fois que cela est possible. Par exemple, il suffit de changer de dentifrice lorsque l’un de ses composants se trouve incriminé. En voici une illustration :


            Une observation clinique (DENTARIA ACTA - 1979 n°3 - pas de précision de l’auteur, mais sans aucun doute de Jean MEURIS (1914-1984)

 

« Mr. G..., 35 ans, vient consulter pour des douleurs brûlantes de toute la cavité buccale, qui depuis une dizaine de jours, l’obligent à se rincer périodiquement la bouche à l’eau froide, qu’il recrache dès qu’elle est réchauffée. Des confrères lui ont prescrit en vain des bains de bouche, des antibiotiques et un anti-inflammatoire.

            Nous nous trouvons en présence d’un patient grand et mince, au visage émacié dont l’interrogatoire est particulièrement riche. Depuis des années, il souffre d’une colite sérieuse qui a occasionné une excoriation anale et de brûlures d’estomac.

            Plus récemment, il a fait une «dépression nerveuse » et est encore sous tranquillisant matin, midi et soir.

            Par ailleurs, il se dit anxieux, agité. Depuis des années, in ne dort qu’avec des somnifères. Il souffre également d’une sensation d’oppression dans la deuxième partie de la nuit. Il se rappelle des épisodes asthmatiformes qu’il a eu, plus jeune, avec un maximum vers 2 heures du matin.

            Nous pensons à Arsenicum album, mais cela ne nous donne pas la cause de sa stomatite. Interrogé sur son dentifrice, il dit se servir depuis une quinzaine de jours de Sanogyl, gagné dans une kermesse. La sensibilisation buccale est donc vraisemblablement due à l’acétarsol sodique.

            Il prend trois granules d’ Arsenicum album 7 CH que j’ai sous la main et je lui prescris un autre dentifrice. Revu trois jours plus tard, tout est rentré dans l’ordre du point de vue buccal et sa « colite » s’est calmée (fin de l’observation).

1973

Dans ce cas clinique, notre confrère a pu mettre en évidence la responsabilité du dentifrice qui contient un sel d’arsenic. Sans doute que ce patient était déjà « Arsenicum album » et c’est pour cette raison qu’il s’est trouvé sensible à un produit somme toute banal et d’usage courant. Et sans doute aussi ses brûlures auraient-elles disparues spontanément peu après la suppression de ce dentifrice. Mais le traitement homéopathique a hâté la guérison.

            

            L’homéopathie présente l’avantage de procéder par induction à partir des signes du malade. Il suffit de mettre en évidence quelques symptômes bien précis accompagnés autant que possible de modalités précises, pour retrouver le « remède semblable », le médicament homéopathique de ce patient. Seulement, le Répertoire de Kent comprend plus de 120 médicaments, dont 6 au degré fort : Arsenicum album, Arum triphyllum, Belladona, Iris versicolor, Mezereum et Sanguinaria et une trentaine au second degré.


            Dans l’observation précédente, Arsenicum album était très évident. Ce n’est hélas pas toujours le cas. Très souvent nous devons procéder à la répertorisation et dans ces cas l’ordinateur offre d’énormes possibilités avec l’avantage essentiel de la rapidité.



MATIERE MEDICALE COMMENTEE

DES SIX MEDICAMENTS AU DEGRE FORT


            Comme il n’est pas possible d’étudier tous les médicaments de brûlures buccales, voici quelques commentaires sur ceux qui semblent les plus importants, en commençant par les six au degré fort, puis d’autres au second degré et enfin d’autres moins connus du chirurgien-dentiste. Seront laissés de côté ceux bien connus de tous comme Apis, Causticum ou Sulfur et bien d’autres.


ARSENICUM ALBUM :


            L’arsenic provoque expérimentalement une intense sensation de brûlure, comme par des charbons ardents avec les modalités suivantes : amélioration par une boisson chaude, aggravation par une boisson froide. Cette sensation de brûlure ou plutôt cette douleur brûlante apparaît surtout lors d’un état inflammatoire : gingivite, stomatite, alvéolite, etc... Cette brûlure peut être ressentie, en dehors d’une pathologie buccale, à tous les niveaux de l’organisme, ce qui lui donne rang de « symptôme général ». Ainsi : le patient peut-il éprouver cette sensation de brûlure à l’intérieur du cerveau avec besoin de se laver la tête à l’eau froide. Ou au niveau de l’estomac avec désir de boire de l’eau froide, ou encore au niveau de la peau alternant avec un prurit intense, etc... Ne pas oublier la notion de périodicité des manifestations pathologiques.


            ARSENICUM ALBUM est l’un des principaux remèdes de stomatopyrosis d’origine dépressive : suite de deuil ou de chagrin, tristesse et mélancolie avec différentes peurs (fantômes, obscurité, solitude, mort avec certitude de l’incurabilité de son mal et de la vanité des traitements...). Cette dépression s’accompagne toujours d’anxiété, d’agitation physique et mentale alternant avec une prostration par asthénie.

            

S’il en était besoin, l’indication de ce médicament est renforcée lorsque l’on a affaire à un patient habituellement avare, méchant, égoïste, hypersensible (odeurs, toucher), maniaque dans la méticulosité pour des futilités (manie du rangement, ne supporte pas qu’un tableau soit légèrement de travers, etc...).


ARUM TRIPHYLLUM :


            Il est certain que cette plante vivace de Virginie, appelée « gouet à 3 feuilles » possède bien le symptôme de « brûlure de la bouche » au degré fort. Mais cette brûlure fait partie le plus souvent d’un rhume ou d’un coryza aigus. Le signe concomitant le plus caractéristique est le besoin du malade de se gratter l’intérieur du nez du fait de l’excoriation induite par les sécrétions âcres ou de se mordiller les lèvres, surtout la supérieure jusqu’à arracher des petites squames et de se faire saigner. Toute la muqueuse buccale peut être concernée avec une sensation violente de brûlure, ou de fourmillements et de picotements. La muqueuses est rouge vif. On constate aussi une salivation augmentée, fétide et âcre, ulcérante, gerçant les commissures labiales.


            Par ailleurs ARUM TRIPHYLLUM est un remède de laryngite des orateurs par surmenage de la voix ou encore de laryngite a frigore.



BELLADONA :

            La sensation de brûlure de la bouche apparaît presque toujours au cours d’une inflammation congestive. La muqueuse est rouge vif, très sèche avec une soif intense tantôt pour de grandes quantités d’eau froide (comme Bryonia) ou pour de petites quantités dans le but d’humidifier la muqueuse (comme Arsenicum album).

            

            Remède fréquent de gingivite à condition que l’inflammation apparaissent brusquement, soit rapidement congestive avec des douleurs battantes. Les signes concomitants quasi obligatoires sont la face rouge, avec sueurs chaudes, yeux en mydriase (qui a donné son nom à ce médicament = les belles dames italiennes mettaient un peu de teinture de belladone pour augmenter l’éclat de leur regard).

IRIS VERSICOLOR :


            Le « glaïeul bleu » a été introduit en homéopathie en 1852 par l’américain J.C. ROWLAND, provoque expérimentalement une action élective sur tout le tube digestif depuis la bouche jusqu’à l’anus avec une très nette sensation de brûlure. On peut voir son indication au cours d’une gastrite avec pyrosis, éructations, nausées, vomissements (liquide fluide, aqueux, glaireux, en longs filaments, goût aigre). Ou encore en cas de dyspepsie hyperchlorhydrique.  Ou enfin en cas de brûlures anales avec diarrhée.


            Mais il arrive de voir cette sensation de brûlure seulement localisée au niveau de la bouche ou encore seulement au niveau de la langue. Dans ces cas limités, on oublie souvent ce médicament qui a pourtant une efficacité étonnante. On l’oublie d’autant plus qu’il n’y a pas de modalités. Il arrive parfois que le patient soit atteinte de céphalées périodiques, de migraines ophtalmiques elles aussi périodiques ou encore de douleurs rhumatismales (épaule droite, hanche gauche, petites articulations). C’est encore un « petit » remède de névralgie faciale. La périodicité et le manque de signes caractéristiques orientent souvent vers SULFUR, qui est son complémentaire de fond.


MEZEREUM :


            Le « bois gentil » provoque des douleurs brûlantes u niveau des os du nez, de la face (névralgies dentaires et faciales), de la bouche, du pharynx, du périoste des os longs (tibia). Cette douleur brûlante s’inscrit dans un contexte inflammatoire d’une muqueuse, en l’occurrence celle de la bouche avec un tableau de gingivite et de parodontopathie : sensation continuelle de brûlure buccale, « les gencives se déchaussent autour des dents, les dents se gâtent, les racines des dents se carient.. . » (Lathoud). Pierre d’Espanet ajoute : « Les dents semblent trop longues, la douleur augmente par le contact des aliments...Dans tous les cas il est nécessaire de noter que les sujets sont travaillés par des éruptions cutanées qui reparaissent assez régulièrement tous les étés ». C’est là l’un des clés de MEZEREUM.


            MEZEREUM se trouve indiqué pour des troubles relevant soit du mode psorique, soit du mode luétique. Le mode psorique s’exprime par les mauvais effets de suppression d’éruptions cutanées (douleurs, névralgies, par exemple après suppression d’un zona ou d’une acné) - par l’alternance de troubles cutanés et internes, ou par troubles psychiques alternant avec un trouble interne, l’apparition de l’un améliore l’autre. Enfin, il y a dans ce médicament la périodicité des troubles (tous les étés par exemple pour les éruptions cutanées). A noter également que l’on peut voir coexister une éruption vésiculeuse à différents stades : vésicules voisinant avec des croûtes.


            Le mode luétique s’exprime par l’atteinte nerveuse psychique et physique, par la tendance ulcérative des éruptions cutanées ou des inflammations des muqueuses, par une électivité osseuse et périostée = ostéite, parodontopathie, sinusite maxillaire, le tout avec des douleurs ostéocopes, ou brûlantes, et aggravation nocturne, ou par temps froid et humide. Le patient peut éprouver un violent prurit qui accompagne les éruptions ou sine materia, erratique après grattage, < à la chaleur du lit ou par les bains chauds, alors que les névralgies sont > par les applications chaudes. 



SANGUINARIA CANADENSIS:


            Le point d’impact principal de cette Papavéracée concerne le système circulatoire d’où découlent de nombreux symptômes :


  

Au niveau de la bouche, on note une grande sensation de sécheresse avec brûlure, excoriation de la muqueuse, glossite érythémateuse avec fourmillements et picotements. La Matière médicale ajoute : douleurs dentaires par l’eau froide > par les boissons chaudes, « dents branlantes ». C’est encore un « petit » remède de névralgie faciale > en s’agenouillant ou par la pression forte.


            La sensation de brûlure peut se voir à différents niveaux (estomac, pharynx, oesophage, nez, paumes des mains, pieds - le patient les sort du lit).


            Son indication se rencontre surtout chez la femme en cours de ménopause climatérique et se trouve d’autant plus confirmée que l’on trouve associés : des polypes (nez, utérus), une aménorrhée avec des bouffées de chaleur et une névralgie temporale droite, ou des troubles visuels. L’hypersensibilité aux odeurs (de fleurs notamment) est un autre trait caractéristique. Ses deux complémentaires semblent être SULFUR et LACHESIS, ce dernier surtout chez la femme en cours de ménopause.

ETUDE DE QUELQUES

AUTRES MEDICAMENTS 




AESCULUS HIPPOCASTANUM :


            Le marronnier d’Inde est utilisé en homéopathie depuis 1861, sa teinture-mère est préparée à partir des semences fraîches sans enlever le tégument externe.


            Sa pathogénésie montre une action élective sur le système veineux et plus particulièrement sur le système porte, d’où découlent les signes suivants :


  


            Les signes buccaux sont les suivants :


  


            Comme on peut le voir, AESCULUS est avant tout un remède de pléthore veineuse qui se trouve indiqué chez un sujet sédentaire, enclin aux excès alimentaires ou de boissons. Le mode psorique est ici évident, mis en œuvre par la sédentarité. AESCULUS peut être complémentaire de NUX VOMICA, puis de SULFUR qui est son remède de fond. La congestion pelvienne évoque SEPIA. L’hypertension portale évoque encore LYCOPODIUM, GRAPHITES et SEPIA.


BROMIUM :


            Le point d’impact principal du brome concerne :


1/ les muqueuses O.R.L. et respiratoires = coryza fluent avec éternuements continuels et irritation des bords des narines, enrouement avec aphonie, toux croupale, sifflante, spasmodique, déclenchée par une inspiration profonde ou en passant du froid au chaud (Bryonia) - Dyspnée avec impossibilité d’inspirer à fond. Asthme amélioré au bord de la mer ou sur la mer.


2/  les tissus lympho-glandulaires = gonflement avec induration indolore des glandes (thyroïde, testicules, glandes salivaires...) et des ganglions lymphatiques.


3/   enfin l’appareil génital féminin = mastose indolore, dysménorrhée avec règles abondantes, souvent accompagnée de douleur de l’ovaire gauche.

Dans ce contexte, BROMIUM présente une sensation de brûlure de la bouche. La langue est sèche et brûlante, avec des petits boutons nombreux sur la face postérieure et à droite.



CAPSICUM ANNUUM :


            La première pathogénésie du piment ou poivre de Cayenne est due à HAHNEMANN. Il suffit d’en manger un peu pour ressentir presque immédiatement une violente sensation de brûlure, qui « emporte » la bouche. Mais cela ne suffit pas à justifier sa prescription homéopathique. Il est logique de trouver dans la Matière médicale le signe suivant : « Irritation avec inflammation et sensation de brûlure intense comme si on avait versé du poivre dessus, avec en même temps une sécrétion exagérée ». Cette sensation se retrouve dans la bouche, dans le pharynx, dans tout le tube digestif (pyrosis) ou dans l’urètre. Cette brûlure n’est pas améliorée par la chaleur comme celle de Arsenicum album, mais elle est aggravée par le froid.


            CAPSICUM est par ailleurs un remède précieux d’otalgies en « coup de poignard », ou d’otite congestive moyenne, surtout lorsqu’il y a une réaction au niveau de la mastoïde.


            Ce qui valorise ce médicament est le type sensible = sujet souvent corpulent, asthénique, très frileux, avec le nez rouge, froid au toucher, les joues rouges et chaudes, couperosées sans doute du fait de la tendance à l’alcoolisme. On décrit ce sujet comme taciturne, grincheux, suicidaire et surtout nostalgique au sens large = immigrés, déplacés dans une autre région, mais encore des enfants scolarisés qui ont la « nostalgie » de la maison, etc...

Commentaire

d'Alain HORVILLEUR

CARBONEUM SULFURATUM :


            Il s’agit du sulfure de carbone, un solvant utilisé dans l’industrie du caoutchouc ou comme dégraissant ou encore comme pesticide en agriculture. Du fait de sa solubilité dans les lipides, son action toxique se développe électivement au niveau des tissus riches en lipides : moelle osseuse, corticosurrénales, tissu nerveux). Il en résulte les grandes indications homéopathiques :



Chez un anémique frileux mais ne supportant pas la chaleur, déprimé, à la mémoire faible (ne trouve pas ses mots), atteint de céphalées fréquentes (frontales, bruits dans la tête, troubles de la vue), de douleurs dentaires provoquées par les aliments chauds. Le tout avec un signe concomitant = sensation de poids dans le dos entre les épaules qui oblige à se pencher en avant.


Chez un alcoolique débilité, maigre, frileux, coléreux. Sujet atteint de fermentations intestinales fétides avec diarrhée. Sujet ayant besoin de grand air qui l’améliore, mais qui craint la chaleur, le temps chaud et humide, les bains chauds.


Chez un sujet tabétique (action sur la moelle et sur le système nerveux) = troubles de la motilité, vertiges avec Romberg+, douleurs fulgurantes, bourdonnements d’oreilles, troubles de la vue, hypoesthésie cutanée des membres. Ce sujet est toujours frileux, maigre, coléreux.


Enfin chez un sujet qui ressemble à CARBO VEGETABILIS (autre remède possible de brûlure buccale) par sa faiblesse, sa maigreur, sa frilosité, mais surtout par sa flatulence abdominale avec des flatuosités fétides, ses crises diarrhéiques pendant un jour ou deux revenant chaque mois.


            Cependant les Matières médicales sont assez discrètes sur les signes bucco-dentaires qu’il faut rechercher dans les Répertoires et ils sont nombreux :


  


            Bien entendu les signes buccaux doivent être retrouvés chez un patient répondant aux occurrences précédentes.



DIGITALIS PURPUREA:


            Ce médicament est bien connu des cardiologues aussi bien classiques qu’homéopathes. Ils savent en particulier qu’entre la dose thérapeutique et celle toxique, la marge est faible. Les patients souffrant de troubles cardio-vasculaires sont assez nombreux et demandent quelques précautions bien connues.


            Bien entendu, les problèmes cardiaques dominent = troubles du rythme surtout, lenteur, faiblesse, irrégularité du pouls, avec des palpitations ou la sensation que le cœur va s’arrêter de battre. Le patient reste immobile, retient sa respiration et on peut comprendre que ces sensations entraînent de l’anxiété. Comme ces problèmes se répètent souvent, le patient est déprimé, triste, a peur de la mort, perd la mémoire et son sommeil est troublé par des cauchemars.


            Alors que la sensation de brûlure buccale est citée au degré moyen par KENT, les Matières médicales n’en parlent pas. En glanant, on trouve les signes suivants :

  


            Il est possible que la sensation de brûlure apparaissent lors de troubles digestifs = perte de l’appétit, mais soif intense, la vue seule des aliments ou leur odeur entraînent des nausées qui évoquent Colchicum. Le foie est gros, congestionné, sensible, voire douloureux, avec fréquence d’un ictère. Le patient éprouve une sensation de faiblesse au niveau de l’estomac ou de vide, avec défaillance angoissante au creux épigastrique qui donne l’impression d’une mort imminente, le tout non amélioré en mangeant. Il y a en même temps quelques petits troubles urinaires (envies fréquentes mais urines rares, voire oligurie parfois accompagnée d’oedème des membres inférieurs) et de troubles visuels (les objets paraissent jaunes, ou verts pâles ou encore vision de la moitié inférieure des objets).

HYDRASTIS CANADENSIS :


            Cette renonculacée est citée au degré moyen dans le Répertoire de KENT pour la brûlure buccale mais les ouvrages restent discrets, voire muets sur ce signe. Cependant, nous choisissons cette occasion pour rappeler quelques indications bucco-dentaires de ce médicament un peu méconnu du dentiste.


            N’importe quelle muqueuse peut être concernée par ce médicament qui provoque une augmentation des sécrétions (catarrhes) qui ressemblent à celles de Kali bichromicum = sécrétions épaisses et jaunâtres,  puis verdâtres, visqueuses et filantes. On peut voir cela au cours d’un coryza, d’une sinusite, d’une pharyngite, d’une laryngite, d’une bronchite, d’une cystite, d’une métrite, etc... c’est-à-dire au cours d’une inflammation mais essentiellement chronique et torpide. Car le plus important pour ce médicament est que son action sur le tube digestif qui s’exprime par une dyspepsie atonique somme toute banale finit par retentir sur la nutrition et sur l’état général qui explique ainsi le type sensible.


            HYDRASTIS s’adresse de préférence à un adulte ou à un vieillard maigre ou amaigri, déprimé et fatigué du fait de troubles hépatiques et digestifs anciens, soit par suite d’une infection ou d’une intoxication, soit par sédentarité avec les conséquences habituelles du mode psorique : blocage des émonctoires comme par exemple une constipation avec colite et surtout abus de laxatifs.


            La brûlure buccale s’inscrit le plus souvent dans le contexte digestif : d’abord la fréquence des aphtes est soulignée par tous les auteurs, avec des signes qui évoquent Mercurius solubilis. On note également des poussées d’herpès sur la lèvre inférieure, surtout à droite. Ou encore une gingivite ulcéreuse avec des mucosités épaisses, une salive épaisse et visqueuse.


            Le foie est généralement gros et dur, sensible ou douloureux. La constipation est ancienne, sans aucun besoin, alternant ou accompagnée parfois avec d’une céphalée frontale avec sensation de lourdeur. Les selles sont dures, pâles ou noirâtres, recouvertes de mucosités épaisses, jaunâtres et adhérentes. Ce patient qui a été longtemps un sédentaire du type Nux vomica a maintenant perdu l’appétit = sensation de vide ou de faiblesse à l’estomac, avec nausée, non améliorées en mangeant, dégoût des aliments, le pain et les légumes provoquent des éructations aigres, aggravation en mangeant, douleurs abdominales < de 9h à 10h et > par l’émission d’un gaz.  C’est ainsi que progressivement l’état général se trouve atteint : amaigrissement, faiblesse générale, déprime (indifférence, toute activité même banale demande de gros efforts), mais irritable, de mauvaise humeur, triste, mélancolique, pensées autolytiques.


            Personnellement et depuis près de 30 ans, nous avons l’habitude d’ajouter à la prescription d’un remède de fond indiqué par le contexte pour une aphtose buccale chronique, des bains de bouche au moment des poussées : CALENDULA TM pour la surinfection des ulcérations et HYDRASTIS TM pour un effet antalgique et cicatrisant, qui complète celui du premier. HYDRASTIS est proposé chez un sujet amaigri, voire cachectique, tel que décrit plus haut. Nous sommes heureux de voir  cette pratique préconisée par D. DEMARQUE et collaborateurs dans « Pharmacologie et matière médicale homéopathique » (Boiron 1993, p.203).


MAGNESIA MURIATICA :


            La brûlure buccale fait partie d’un syndrome digestif : nausées avec pyrosis, langue chargée d’un enduit jaune épais, la langue garde l’empreinte des dents, douleurs dentaires avec sensation que les incisives supérieures sont trop longues et hypersensibilité au contact. Le foie surtout est concerné : augmentation de volume, douleurs aggravées par le toucher, ou couché sur le côté droit, peau plus ou moins ictérique. La constipation est de règle avec des selles dures, petites, comme des crottes de brebis, difficiles à expulser. La présence de magnésium explique sans doute les douleurs crampoïdes ou tiraillantes dans l’abdomen et dans l’hypocondre droit. De nombreux troubles digestifs peuvent être provoqués par l’intolérance au lait ou par abus d’aliments salés : dyspepsie avec pyrosis, gastralgie, dyskinésie biliaire avec la constipation....


            L’autre pôle d’action de ce chlorure de magnésium est l’appareil génito-urinaire : dysménorrhée spasmodique avec des règles précoces, abondantes, noires, très douloureuses = douleurs crampoïdes dans le dos améliorées par une pression forte sur les reins - miction en goutte à goutte, ténesme urinaire, difficultés pour uriner.


On dit souvent dans la presse que la spasmophilie est une maladie française. C’est peut-être possible mais quoiqu’il en soit, MAGNESIA MURIATICA est l’un des remèdes possibles. Les douleurs dentaires en font partie, comme la céphalée temporale avec sensation vertigineuse et tendance lipothymique, etc...


MANCINELLA  HIPPOMANE:


            Ce médicament est très peu connu des dentistes et même sans doute de nombreux médecins. Il a fait l’objet d’une nouvelle expérimentation récemment. Il s’agit du mancenillier ou figuier vénéneux, petit remède d’inflammation bucco-pharyngée aiguë ou sub-aiguë à tendance ulcérative, avec salivation abondante et fétide, sensation de brûlure comme par du poivre et de constriction de la gorge, aggravée en buvant froid malgré un désir d’eau froide, avec dysphagie. Ces signes sont tout de même tellement banals qu’ils ne permettent pas la prescription. Pour le valoriser voici les quelques symptômes singuliers, en vrac :


  


            Peut-être pourrait-il s’agir d’un éventuel remède de stomatodynie. H. VOISIN décrit une jeune fille timide à la puberté ou hantée par l’idée du mariage ou du célibat. Ou encore d’une femme à la ménopause, excitée sur le plan sexuel. Ou encore de n’importe quel sujet triste, taciturne, silencieux, déprimé, trouvant tout ennuyeux et lassant, ayant une aversion pour le travail mental et la conversation, répondant à peine aux questions, perdant le fil de ses pensées, ayant peur de devenir fou. La congestion de la tête est souvent citée (surtout avant les règles) avec céphalée aggravée par la chaleur rayonnante, douleurs battantes aggravées en baissant la tête, alors que les mains sont froides, voire glaciales, avec sensation qu’elles sont grosses, engourdies et lourdes.

 

SPONGIA :


            Il s’agit d’une éponge vivant dans les eaux grecques ou vénitiennes. Elle est calcinée pour l’utilisation homéopathique et c’est une fois encore HAHNEMANN qui en a fait la première pathogénésie en 1821. Mais l’éponge calcinée a été introduite dans la pratique médicale dès le XIII° siècle par Arnaud de Villeneuve (1238-1311), professeur à l’Ecole de médecine de Montpellier, qui l’utilisait déjà dans le traitement du goître. Sans doute la présence d’iode explique-t-elle la tendance aux indurations et aux hypertrophies des ganglions et des glandes dont la thyroïde avec ou sans maladie de Basedow.


            SPONGIA est surtout prescrit en pratique quotidienne pour son action sur les muqueuses respiratoires : sécheresse nasale et laryngée, sensation de brûlure et de constriction, enrouement, et surtout toux sèche, croupale, dyspnéïsante (comparable au bruit d’une scie dans une planche de sapin), avec sensation de muqueuse à vif.  Le patient se réveille vers minuit avec la toux et surtout une sensation de suffocation anxiogène.

 

            Selon LATHOUD, c’est aussi un « petit » remède d’aphtes de la langue ou de la face interne des joues,  oublié dans le Répertoire de KENT.


TARAXACUM :

            Le pissenlit est connu pour sa langue en carte de géographie, généralement douloureuse au contact, seul médicament cité au degré fort pour ce symptôme dans le Répertoire de KENT. En fait cette langue géographique se voit au cours de troubles digestifs, surtout typhiques. Il s’agit plus souvent d’un embarras gastrique ou d’un état bilieux, avec nausées, éructations amères, douleurs du foie, avec hypersalivation sensation de brûlure de la bouche et la langue soit recouverte d’un enduit blanchâtre qui évoque Antimonium crudum, soit en carte de géographie.


            On peut voir également ces troubles digestifs évoluant d’une manière chronique et peu caractéristiques avec un goût amer et les mêmes signes  au niveau de la langue. C’est donc un médicament qu’il est difficile de mettre en évidence et qui constitue parfois une surprise de répertorisation informatisée. En médecine, on le donne le plus souvent comme « draineur » hépatique lorsque les signes hépato-digestifs sont peu caractéristiques mais qu’existe la langue géographique.

  

EN CONCLUSION


            Cette étude n’avait d’autre prétention que d’évoquer quelques médicaments homéopathiques de sensations de brûlure buccale, en sachant d’avance et même en prévenant que l’exhaustivité n’était pas recherchée.


            C’est surtout lorsqu’une cause n’est pas mise en évidence que l’homéopathie rend parfois et souvent de grands services à des patients qui souffrent de cette sensation désagréable, qui ont souvent subi en vain de nombreuses investigations, ainsi que de nombreux traitements, sans résultat.