La fonction rénale
INSUFFISANCE RENALE
ET MALADIES PARODONTALES
On a un peu trop tendance en pratique bucco-dentaire quotidienne à limiter l’examen clinique à l’état de la denture, à rechercher une cause locale pour expliquer divers troubles qui motivent la consultation. Trop souvent, et cela tient sans aucun doute de la formation universitaire, l’état général est négligé. Par exemple, en cas de traumatisme dentaire chez un enfant, le chirurgien-dentiste s’inquiète à juste titre de dresser le bilan des lésions dentaires ou des tissus mous afin d’envisager la thérapeutique. Alors qu’un médecin se préoccupe en premier lieu de la vaccination antitétanique. Mais il est vrai que le traitement dentaire ne lui revient pas.
Il en va de même très souvent dans la prise en charge d’une maladie parodontale. Tout à fait logiquement, le chirurgien-dentiste met en œuvre tous les moyens de diagnostic et d’évaluation des lésions, recherche les causes d’irritation locale qui constituent la première phase du traitement par leur suppression ou par leur correction. Mais trop souvent, le traitement est poursuivi par les techniques parodontales, certes toujours nécessaires. Et pourtant, le Pr Pierre TONNELIER, dans son livre (« Abrégé de médecine au cabinet dentaire » - SNPM 1981), affirme :
« Toute altération radiculaire, apicale, périapicale, péri-maxillaire ou cellulaire, d’origine dentaire doit comporter un bilan rénal de laboratoire simple, en raison de l’axe pathologique tripartite dent-parodonte-glomérule ».
A l’appui de cette affirmation péremptoire, il cite des observations cliniques portant sur 30 cas de glomérulo-néphrites chroniques, dans lesquels on retrouve :
11 gangrènes pulpaires
17 granulomes apicaux
7 accidents muqueux péricoronaires ou kystes marginaux surinfectés
6 sinusites maxillaires d’origine dentaire
1 abcès péri-mandibulaire
2 traitements radiculaires
4 parodontopathies
Il faut reconnaître que cette liste laisse perplexe et suscite une certaine inquiétude rétrospective, car chaque praticien se trouve confronté tous les jours à de telles pathologies bucco-dentaires et combien de fois a-t-il demandé un bilan rénal ? Sans doute y a-t-il dans tout cela un peu d’exagération, voire une exagération certaine. L’expérience clinique montre le bien fondé de l’attitude de réserve des dentistes. Mais tout cela mérite réflexion.
Si l’on accorde un instant un peu d’intérêt aux recommandations de P. TONNELIER, une banale constatation argumente en faveur de la thèse de P. TONNELIER, même s’il faut lui donner la place qu’elle mérite = MERCURIUS SOLUBILIS est considéré comme l’un des médicaments homéopathiques les plus importants de troubles buccaux, notamment de la gingivite ulcéro-nécrotique ou des parodontopathies en raison de la pathogénésie de ce toxique. Or le mercure est également un néphrotoxique très puissant et en conséquence l’un des médicaments homéopathiques les plus importants des atteintes rénales, dont l’insuffisance rénale chronique ! Et cette constatation banale prend un certain relief dans le contexte médiatique actuel à propos du relargage de mercure à partir des obturations à l’amalgame, accusées de provoquer des troubles toxiques, rénaux entre autres. Ce qui suscite des polémiques multiples entre les tenants de cette thèse et les responsables d’organismes officiels et médicaux qui affirment que les quantités de mercure libéré sont infinitésimales et ne peuvent avoir de conséquences mesurables. Les homéopathes n’ont pas le même avis sur l’action de dilutions infinitésimales. Mais il s’agit là d’un autre problème que nous avons abordé en d’autres temps.
CLINIQUE SOMMAIRE DE L’INSUFFISANCE RENALE:
Nous ne pouvons entreprendre ici une étude exhaustive. Seront seulement rappelés quelques aspects qu’il conviendra à chacun de compléter. Les conséquences de l’insuffisance rénale chronique sont nombreuses, certaines discrètes, d’autres qui le sont beaucoup moins au fur et à mesure de l’évolution vers l’aggravation de l’atteinte rénale. L’apparition des troubles est souvent insidieuse.
La fonction rénale assure l’élimination des déchets métaboliques et en particulier des substances azotées d’où une tendance progressive à l’hyperuricémie ou à l’hyperazotémie.
La fonction urinaire est perturbée dans le sens d’une polyurie mais avec perte de concentration avec des conséquences hydroélectriques = l’excrétion du potassium reste normale assez longtemps puis elle diminue et peut être responsable d’une hyperkaliémie nécessitant parfois des traitements d’urgence (fatigabilité musculaire, pseudo-paralysie, troubles de l’électrocardiogramme, œdème pulmonaire, acidose…). Mais la polyurie peut entraîner une fuite du calcium (hypocalcémie), elle-même responsable d’une déminéralisation osseuse de la trame protéique qui s’exprime en clinique par l’ostéomalacie, l’ostéite fibreuse dont la maladie de Recklinghausen (mandibule). Mais surtout, cette déminéralisation concerne également les tissus osseux alvéolaires et maxillaires et dans ce contexte, les maladies parodontales n’apparaissent que comme un épiphénomène qui ne doit pas être minimisé = on comprend facilement que les techniques chirurgicales parodontales sont vouées à l’échec et ne doivent pas être entreprises chez ces malades, aussi longtemps que leur fonction rénale n’est pas rétablie.
L’anémie est un autre trait caractéristique de l’insuffisance rénale. Elle se manifeste par une pâleur, un essoufflement à l’effort, un souffle cardiaque anorganique. Plusieurs facteurs l’expliquent = le déficit en hormone hématopoïétique d’origine rénale qui raccourcit le temps de vie des hématies – le déficit en fer…
Les insuffisants rénaux présentent aussi des troubles du métabolisme de l’eau dans les deux sens = déshydratation extracellulaire (chute du poids, baisse de la pression artérielle, tachycardie…) ou hyperhydratation avec tendance à la rétention d’eau, obésité, syndrome œdémateux, hyponatrémie…Les homéopathes pensent ici à MERCURIUS SOLUBILIS et à d’autres médicaments du mode sycotique dans sa phase hydrogénoïde.
L’hypertension artérielle est fréquente et elle est aussi la cause de l’aggravation de l’insuffisance rénale. Elle pose quelques problèmes en chirurgie dentaire (entre autres) et impose les précautions d’usage.
Il faut encore ajouter à cette liste l’asthénie, quelques troubles digestifs assez banals (nausées, vomissements…). A un stade plus avancé, des hémorragies surviennent = épistaxis, hémorragies digestives, stomatorragies…
LES SIGNES BUCCO-DENTAIRES DE L’INSUFFISANCE RENALE :
La perturbation du métabolisme des minéraux entraîne une décalcification osseuse et alvéolaire, ce qui explique la gravité fréquente des maladies parodontales, d’autant plus que l’hyperuricémie entraîne des troubles de la nutrition des tissus gingivaux par le fait d’une inflammation capillaire chronique. On mesure ainsi combien la chirurgie parodontale est alors vouée à l’échec dans ce contexte. Certes, avant d’entreprendre ces traitements spécialisés, un praticien consciencieux aura procéder à un bilan général complet. Le problème se retrouve également en implantologie.
Mais il existe des états intermédiaires, lorsque le patient est à l’orée d’une pathologie rénale encore fonctionnelle, qui va s’aggraver progressivement. Heureusement si l’on peut dire, la déminéralisation osseuse alvéolaire se voit facilement sur les clichés radiologiques = os alvéolaire comme lavé, très radio clair, la lamina dura se trouve comme gommée. TONNELIER affirme que parfois certaines structures comme le canal dentaire inférieur ou le trou mentonnier ne sont plus visibles. Et même, on peut voir des lésions de l’ostéite fibreuse de Von Recklinghausen.
Cependant, si la chirurgie est impérative, elle ne peut être entreprise que dans certains conditions car il y a des écueils à éviter :
Les malades sous dialyse ont une fragilité des plaquettes et leur thrombopénie est souvent inférieure à 80 000/mm3.
Ils ont en outre un risque supplémentaire d’hémorragie per- ou post-opératoire due à l’héparine résiduelle, injectée au moment de la dialyse. Une prémédication par le médecin est donc nécessaire.
Ils ont une tendance à l’anémie dont il faut tenir compte.
De toute façon, il est nécessaire pour le chirurgien-dentiste de réunir tous les facteurs de sécurité pour la patient et donc de prendre systématique l’avis du médecin traitant, même avant la prescription de certains médicaments pouvant menacer le rein.
CONDUITE DU CHIRURGIEN-DENTISTE « HOMEOPATHE »
CHEZ L’INSUFFISANT RENAL
Le chirurgien-dentiste « homéopathe » se trouve naturellement chargé de prendre en charge les problèmes bucco-dentaires de son patient. Tout le problème apparaît lorsque les troubles bucco-dentaires trouvent leur origine ailleurs que dans la bouche. Ce qui est le cas lors d’une insuffisance rénale. Deux cas différents peuvent se présenter = le patient est déjà pris en charge par un médecin homéopathe ou bien il ne l’est pas. Dans les deux cas, il ne revient pas au chirurgien-dentiste de traiter l’insuffisance rénale. Seulement, même en répertoriant sur les signes bucco-dentaires, le médicament ainsi individualisé peut très bien avoir une action sur le plan général. Il faut donc demander l’avis du médecin traitant avant la prescription et là encore on retrouve un autre problème lorsque le patient n’est pas suivi par un homéopathe. La plus grande réserve sera donc la ligne de conduite.
Personne ne peut donc être étonné que dans la présente étude les signes bucco-dentaires soient valorisés ou privilégiés, alors que les signes de l’insuffisance rénale ne sont qu’évoqués.
Un dernier point mérite un commentaire = l’insuffisance rénale n’existe pas, en tant qu’entité pathologique, dans le Répertoire de Kent, on ne trouve que des signes rénaux ou urinaires non reliés à une pathologie précise, comme c’est presque toujours le cas en homéopathie. Il ne faut pas oublier que les Matières médicales ont été élaborées pour la quasi-totalité au siècle dernier, avant que la nosologie contemporaine ne soit établie.
Si l’on répertorie sur les signes buccaux et si l’on ajoute seulement deux signes généraux (asthénie et anémie), l’ordinateur « sort » une liste assez longue avec en tête = ARSENICUM ALBUM, MERCURIUS SOLUBILIS, SULFUR, puis CARBO VEGETABILIS, CHINA, LACHESIS, MERCURIUS CORROSIVUS, PHOSPHORUS, SEPIA, PLUMBUM METALLICUM, CAUSTICUM, KALI BICHROMICUM, etc… On trouve encore un peu en retrait = LYCOPODIUM, CALCAREA CARBONICA, NATRUM SULFURICUM, PULSATILLA, KALI CARBONICUM, KALI NITRICUM…
Cependant = il faut se méfier de ces listes et surtout il ne faut pas leur accorder une valeur absolue car tout dépend des symptômes retenus. Il ne doit pas y avoir d’idées préconçues. Et surtout, la répertorisation n’a de sens que lorsqu’elle est réalisée à compter des seuls signes retrouvés d’une manière sûre chez le patient.
L’un des avantages de l’homéopathie, outre son efficacité, est son absence d’effets secondaires. Les médicaments homéopathiques ne présentent aucun risque de néphrotoxicité.
PRECAUTIONS A PRENDRE CHEZ L’INSUFFISANT RENAL :
Il s’agit là de rappels car le dentiste homéopathe ne peut échapper à ces règles de précautions. Tout d’abord, il est nécessaire d’éliminer tous les foyers dentaires pouvant entraîner ou aggraver les troubles de la fonction rénale. Cette élimination est d’ailleurs le plus souvent demandée par le médecin traitant ou le service hospitalier, elle est même souvent entreprise à l’hôpital même.
Les dents atteintes de foyers apicaux ou de kystes doivent être extraites, ou alors et si possible, un résection apicale doit être réalisée. La plus grande méfiance est exigée en cas de dents gangrenées, car la stérilisation des canaux n’est jamais garantie.
A partir d'une dent infectée, il y a des risques d'infections focales
MERCURIUS SOLUBILIS
C’est sans doute le médicament le plus souvent indiqué dans les troubles bucco-dentaires des luétiques. Sa toxicité est bien connue, très souvent incriminée dans des intoxications de toutes sortes, industrielles ou autres, dont l’accusation des amalgames dentaires. Cette toxicité, quelle que soit son intensité, s’exprime notamment par la gingivo-stomatite si caractéristique au point que trop souvent ce médicament est prescrit sans individualisation suffisante. Cette toxicité, notamment sur le rein, explique que ce médicament peut être prescrit chez des sujets différents, quels que soient leur type morphologique ou le mode réactionnel en cause, dès lors que l’on respecte le principe de similitude.
Les signes bucco-dentaires :
Haleine fétide, nauséabonde, qui se répand dans la pièce et donc perceptible à distance du patient.
Hypersalivation fétide, visqueuse, qui tache l’oreiller car elle est très nettement augmentée la nuit (modalité d’aggravation du remède et du mode tuberculinique).
Gencive enflammée, œdématiée, ulcérée, sanguinolente au moindre contact. Gingivite d’aspect scorbutique. Maladie parodontale avec poches suppurées.
Langue étalée, flasque et enflée, gardant l’empreinte des dents, sale ou saburrale (enduit jaunâtre nauséabond). Langue parfois fissurée.
Tremblement de la langue lors de sa protrusion (tremblement mercuriel).
Tendance aux caries dentaires (3°d) dont celles des collets.
Douleurs dentaires, pires la nuit, aggravées par les boissons chaudes ou froides (températures extrêmes)
Aphtes (degré fort), n’importe où dans la bouche mais aussi au niveau de la langue (2°d).
Douleurs brûlantes dans toute la bouche ou au niveau de la langue.
Nombreuses dysgueusies : goût amer (3°d), sucré (3°d), insipide (3°d), mauvais goût (3°d), goût métallique (3°d), goût salé (3°d), goût acide (2°d), goût vaseux (3°d).
Mucosités.
Sécheresse de la bouche et de la langue (3°d) ou du palais (2°).
Sensation d’agacement des dents ou qu’elles sont trop longues.
Commentaire
d'Alain HORVILLEUR
Comme on peut le voir, les signes bucco-dentaires sont très nombreux et souvent au degré fort. Et cependant, ils ne suffisent pas à justifier, à eux seuls, la prescription de ce médicament. D’abord et paradoxalement, du moins en apparence, parce qu’ils sont communs à de nombreux médicaments. Ensuite parce que les signes locaux doivent être insérés dans leur contexte général, qui les valorise et permet l’individualisation du médicament indiqué
.
Voici une synthèse de la Matière médicale de MERCURIUS SOLUBILIS.
Suites de troubles exprimant les caractéristiques du mode luétique que des causes occasionnelles révèlent = infections saisonnières déclenchées par le froid humide, qui de plus les aggrave - mais et cela exprime la complexité des grands polychrestes, d’autres causes évoquent les modes psorique et sycotique = suppression d’un écoulement, d’un coryza, de condylomes, d’éruption cutanée, de l transpiration ou encore suite de vaccinations, de traumatisme crânien, enfin de troubles provoqués par la dentition. Mais à l’occasion de l’action de l’une de ces causes, les troubles qui s’en suivent présentent les caractéristiques du mode luétique.
Le comportement psychique reflète l’action diphasique habituelle des toxiques : d’abord excitation avec = irritabilité, mauvaise humeur, inquiétude et angoisses, agitation anxieuse, comportement hâtif et précipité, colères (avec impulsions à tuer ou à se tuer) - puis dépression = paresse intellectuelle avec faiblesse de la mémoire, découragement, perte de volonté, prostration, réponses lentes aux questions, et dans des cas extrêmes évolution vers l’imbécillité ou l’idiotie (comme dans la syphilis !).
Tendance aux inflammations aiguës et chroniques caractérisées par la suppuration et l’ulcération à tous les niveaux. Toutes les muqueuses peuvent être concernées = bouche (gingivo-stomatite ulcéro-nécrotique), pharynx, nez, gorge, yeux, intestins, appareil génito-urinaire, etc... Ces inflammations sont accompagnées de sécrétions ou excrétions abondantes, purulentes, corrosives, nauséabondes.
Troubles cutanés = éruptions diverses surtout vésiculeuses et pustuleuses, prurigineuses (aggravation la nuit à la chaleur du lit) toujours caractérisées par une tendance à la surinfection, à la suppuration, à l’ulcération superficielle phagédénique. Transpiration abondante, notamment la nuit qui rend le sujet mal à l’aise, sueurs visqueuses et de mauvaise odeur.
Troubles neurologiques = tremblements des extrémités aggravés à l’émotion et à la fatigue - nombreuses douleurs = céphalées, douleurs périostées à localisations crânienne et prétibiale, nettement aggravées la nuit.
Atteintes des glandes et des ganglions avec tendance aux adénites suppurées.
Troubles osseux = alvéolyse dans un contexte inflammatoire (maladie parodontale avec poches suppurées), ostéite (dont l’alvéolite), périostites, etc...
Modalités :
Aggravation = LA NUIT, par le froid humide, par les changements de temps, par les températures extrêmes, par la transpiration, par la chaleur du lit.
Amélioration = par une température modérée, par le repos.
Voilà donc les grands signes sur lesquels repose l’indication de MERCURIUS SOLUBILIS. Il faut souligner que ce médicament de fond se trouve très souvent indiqué pour des troubles inflammatoires aiguës ou chroniques. Et pour ces derniers, il faut rappeler la posologie = les basses dilutions favorisent le sens centrifuge (mais ne pas donner en dessous de la 5 CH du fait de la toxicité) en pensant aux risques de suppuration en cavité close - les hautes dilutions (15 ou 30 CH) favorisent le sens centripète - enfin les dilutions moyennes sont ambivalentes. Comme tous les toxiques puissants, MERCURIUS SOL. ne doit pas être renouvelé trop souvent = une à deux fois par jour au maximum dans un cas aigu, une à trois fois par semaine en pathologie chronique.
MERCURIUS est un remède possible de néphrite aiguë, qui concerne le médecin et jamais le dentiste. Mais même dans ce cas les signes buccaux conditionnent le choix du remède (hypersalivation, langue flasque, étalée, chargée, gardant l’empreinte des dents, stomatite ou gingivite ulcéreuse), ils accompagnent toujours l’aggravation nocturne et des sueurs nocturnes huileuses qui laissent le patient mal à l’aise.
Ensuite, après une ou plusieurs crises aiguës, le patient évolue vers une néphrite chronique avec insuffisance rénale. Les signes évoluent avec plus de discrétion, peuvent même être discrets au point que le dentiste de ne rende même pas compte de l’insuffisance rénale, qu’il n’a certes pas l’habitude d’appréhender. La diurèse est diminuée avec des urines foncées, sanguinolentes, albumineuses. On retrouve encore une fois les sueurs abondantes, visqueuses, de mauvaise odeur, pires la nuit, mettant mal à l’aise. Surtout, l’atteinte générale apparaît avec un amaigrissement progressif, une asthénie non expliquée par le mode de vie, une anémie. Bien entendu avant l’urémie terminale il se passe du temps et surtout le patient est le plus souvent pris en charge. Paradoxalement, une tendance à la sclérose se développe et peut ralentir la dégradation du parodonte. Dans toute cette période d’atteinte nutritionnelle, il est normal de voir quelques signes buccaux et généraux de remèdes comme PLUMBUM METALLICUM (plus de sclérose, moins d’inflammations), ARSENICUM ALBUM (cachexie, agitation, anxiété, troubles lésionnels plus graves) ou PHOSPHORUS (remède de dégénérescence graisseuse du foie ou ici du rein, avec sa tendance aux congestions locales et aux hémorragies).
Avant de poursuivre sur d’autres médicaments, il convient de donner à MERCURIUS la place qui lui revient et de rappeler ses grandes indications, aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte, en débordant largement le cadre étroit de la seule insuffisance rénale.
Mercurius solubilis chez l’enfant :
Le mercure est un toxique et surtout une substance étrangère à l’organisme. Pourquoi rappeler ces évidences ? Tout simplement pour rappeler que l’action toxique se manifeste chez n’importe quel sujet, quelle que soit sa morphologie. Et qu’il n’y a pas de type morphologique particulier. Ce n’est pas ce qui se passe par exemple pour PHOSPHORUS. Le phosphore étant l’un des plus importants minéraux indispensables à l’ostéogenèse, il module un type morphologique qui porte son nom, le type « phosphorique » grand et maigre, longiligne. Cette action métabolique explique tout un ensemble de signes et symptômes, que l’on retrouve chez le tuberculinique à la phase oxygénoïde. Mais le phosphore est aussi un toxique puissant qui peut atteindre n’importe qui, ce qui explique d’autres signes et symptômes, comme par exemple l’action sur le sang et la coagulation, quel que soit le biotype.
Rien de tel avec le mercure, qui n’a aucune action métabolique. Cependant, il y a deux types d’enfants répondant à MERCURIUS SOLUBILIS : un type gras et un type maigre.
Le type gras est le plus fréquent et il offre de nombreuses similitudes avec CALCAREA CARBONICA : sensibilité au froid humide qui joue un rôle déterminant dans le déclenchement d’une pathologie O.R.L. fréquente et surtout itérative chez l’enfant durant la saison hivernale - atteinte des formations lympho-ganglionnaires avec hypertrophie - lymphatisme et lenteur, phobies et apathie après une phase d’excitation. Il est intéressant de noter que chez cet enfant qui se défend mal, les modes réactionnels sont imbriqués. L’enfant CALCAREA CARBONICA use avant tout du mode psorique notamment parce que c’est celui de ses parents ou de l’un des deux. Ensuite, il met rapidement en œuvre le mode sycotique parce que son système immunitaire est trop sollicité et surtout déprimé par la sensibilité au froid, par le ralentissement métabolique et par les médicaments trop abondamment prescrits. Certains de ces enfants CALCAREA CARBONICA évoluent vers MERCURIUS SOLUBILIS pour différentes raisons et sans doute encore une fois du fait d’un facteur héréditaire. Le mode luétique influence alors l’aspect de la pathologie, notamment dans le sens d’une tendance à la suppuration et à l’ulcération. Or dans cette occurrence, on retrouve un autre médicament assez complexe = HEPAR SULFUR, autre remède important de suppuration aiguë, mais aussi chronique (mais il est aggravé par le froid et amélioré par la chaleur, comme Arsenicum album). Et curieusement, HEPAR SULFUR est le plus important remède antidote du mercure. Déjà le nourrisson du type Mercurius exprime ses difficultés défensives qui offrent encore une fois des similitudes avec CALCAREA CARBONICA = grosse tête avec fontanelles larges, peau malsaine sujette à un eczéma humide qui suppure facilement, érythème fessier (Medorrhinum). Puis rapidement peuvent apparaître des otites suppurées avec la note luétique représentée par une tendance à l’ulcération du tympan. Aussi bien chez CALCAREA CARBONICA que chez MERCURIUS SOLUBILIS, la dentition peut être retardée et difficile (convulsions).
Autres faits = MERCURIUS SOLUBILIS comme CALCAREA CARBONICA sont indiqués dans les suites de suppression d’élimination. MERCURIUS SOL. est l’un des remèdes de suites de traumatisme crânien, notamment chez l’enfant. Comme d’ailleurs NATRUM SULFURICUM, le plus important remède du mode sycotique dans sa phase hydrogénoïde, complémentaire de CALCAREA CARBONICA (entre autres) dans l’imbibition hydrique et dans la sensibilité au froid humide ou encore dans les conséquences iatrogènes de certains médicaments déprimant le système immunitaire comme les antibiotiques ou les vaccins. Voilà donc une situation clinique complexe du fait de l’expression simultanée de plusieurs modes réactionnels, ce qui est l’expression d’une insuffisance immunitaire. Heureusement, il y a des différences qui permettent de comprendre telle ou telle situation. Chez un enfant CALCAREA CARBONICA, l’indication de MERCURIUS n’est que transitoire, momentanée, expliquée par des facteurs circonstanciels et PSORINUM est le complémentaire diathésique de fond lorsque l’enfant ne réagit plus très bien. Chez l’enfant luétique, MERCURIUS SOL. est LE remède de fond, avec le renfort du biothérapique luétique qu’est LUESINUM.
L’enfant Mercurius sol. consulte son dentiste pour = des aphtes parfois graves, toujours récidivants, douloureux, accompagnés d’adénopathies satellites, d’une hypersalivation nauséabonde surtout nocturne, ou pour une gingivite, parfois d’origine herpétique, mais surtout pour des abcès d’origine dentaire notamment lorsqu’existe une note dystrophique dans la morphologie avec des caries des dents de lait plus ou moins importantes. Enfin cet enfant grince souvent des dents la nuit, son sommeil est troublé par des rêves anxiogènes. L’enfant MERCURIUS peut consulter également pour des caries dentaires. MERCURIUS SOL. est cité au degré fort dans le Répertoire de KENT à la rubrique « Caries » mais est oublié pour les caries du collet, alors qu’on en trouve mention dans certaines Matières médicales ou publications. Dans cette localisation, sur 14 médicaments il y en a 8 que l’on peut classer parmi les remèdes indiqués dans les troubles du mode luétique = ARGENTUM NITRICUM, AURUM METALLICUM, CALCAREA FLUORICA, FLUORIC ACID., IODUM, MERCURIUS SOL., LUESINUM, MEZEREUM, les autres sont AMMONIUM CARBONICUM, ARSENICUM ALBUM, CALCAREA CARBONICA, SILICEA, THUYA et TUBERCULINUM.
Mercurius solubilis chez l’adulte :
Une fois encore, une situation complexe sur le plan diathésique se retrouve chez l’adulte Mercurius. Le mercure, il faut le rappeler, est un toxique puissant et surtout une substance étrangère à l’organisme, il peut donc intoxiquer n’importe qui. Il y a adéquation entre les troubles qu’il produit et ceux de la syphilis et d’une manière plus générale ceux du mode luétique, chez n’importe quel sujet.
Le patient Mercurius consulte son dentiste le plus souvent pour une gingivite ulcéro-nécrotique avec les signes décrits plus haut, ou encore pour une aphtose buccale aiguë ou chronique. Ces troubles buccaux peuvent être plus ou moins isolés, mais ils se produisent le plus souvent dans un contexte digestif = foie gros et douloureux au toucher ou couché sur le côté droit, digestion lente avec des renvois, des régurgitations (liquide rance), des nausées, des brûlures (pyrosis), de la flatulence abdominale (ventre dur, sensible au toucher) et de temps en temps des périodes de diarrhée, souvent hémorragique, presque toujours suivie de ténesme. La colite ulcéreuse est fréquente, ou la recto-colite, souvent par suite d’amibiase. Rappelons qu’en 1972, notre confrère Jean LEGER a soutenu la thèse de rapports de cause à effet entre l’amibiase sous sa forme neuro-végétative, donc la moins connue, et la maladie parodontale. Il expliquait que cette maladie souvent oubliée pouvait concerner une grande partie de la population de la région parisienne (plus du tiers !). Dans ce contexte digestif, le remède le plus voisin est NATRUM SULFURICUM, car ils ont plusieurs troubles en commun, comme la sensibilité au froid humide.
MERCURIUS SOL. peut également avoir une insuffisance rénale, ce qui explique l’atteinte parodontale. Ainsi, par action sur la fonction hépatique dont on connaît les conséquences bucco-dentaires ou par action sur la fonction rénale, les facteurs généraux de la maladie parodontale sont réunis pour en expliquer sa fréquence, son évolution et sa gravité. D’où deux évidences =la chirurgie parodontale sera déconseillée sous peine de récidive rapide et ce aussi longtemps que les deux fonctions hépatique et rénale ne seront pas rétablies, et comme le traitement des troubles buccaux passe d’abord par celui des causes générales, cela exige la prise en charge par le médecin. Mais il existe des formes encore discrètes qui s’expriment par une hypersalivation nauséabonde, par le goût métallique prononcé et par des sueurs surtout nocturnes laissant le patient mal à l’aise, alors que l’état gingival et surtout parodontal n’est pas encore trop dégradé. Dans ces cas encore frustres sur le plan buccal, une action précoce de MERCURIUS SOL. donne de bons résultats. On peut voir encore ces patients pour une aphtose buccale, sans retrouver le contexte gingival ou parodontal. Il est alors parfois difficile de mettre en évidence ce médicament sur des signes encore peu nuancés et l’on hésite souvent entre plusieurs médicaments. C’est toute la difficulté de l’homéopathie, mais c’est aussi son avantage d’une action précoce et préventive sur les menaces connues parce que bien décrites dans la matière médicale.
Soulignons en passant que dans ces cas encore peu marqués, l’ordinateur rend de grands services. Dans le programme AIDE-HOMEO, la sélection des 5 symptômes banals suivants : goût métallique + salivation intense + haleine fétide + transpiration ne soulageant pas + transpiration nocturne donne 9 médicaments = CALCAREA CARBONICA, CHELIDONIUM, LYCOPODIUM, MERCURIUS SOL., NUX VOMICA, PHOSPHORUS et SULFUR. Mais si l’on ajoute les 4 signes généraux suivants : Adénopathies + agitation + comportement précipité et tendance aux ulcérations, un seul médicament sort â MERCURIUS SOL.
Il est donc possible de mettre en évidence l’indication de MERCURIUS sur des signes encore banals, certainement réversibles à ce stade. Ensuite se pose le problème diathésique, après le choix du médicament semblable, c’est-à-dire le problème de la compréhension du problème buccal dans une histoire personnelle évolutive. Car une gingivite a toujours plusieurs significations et la prévention de la récidive doit tenir compte de chaque mode réactionnel mis en œuvre par chaque patient. MERCURIUS SOLUBILIS se trouve ainsi souvent indiqué du fait de la polarité buccale de son action toxique. Il est intéressant de noter qu’il se trouve plus souvent indiqué pour une pathologie aiguë que chronique. La pathologie aiguë peut être interprétée comme une tentative d’élimination chez un sujet psorique qui ne parvient plus à maintenir son équilibre par le seul mode psorique et qui met en œuvre le mode luétique jusque-là en réserve, mode sollicité par son mode de vie, qui réunit plusieurs facteurs d’atteinte des fonctions hépatiques et rénales.
On ne peut ici décrire à nouveau les différentes étapes de la décompensation. Rappelons seulement les signes bucco-dentaires principaux:
Eruptions diverses (dont l’herpès) autour de la bouche, sur les lèvres et dans la bouche…
Aphtes ou vésicules brûlantes. Ulcérations à tendance phagédénique.
Sécheresse buccale et sensations de brûlure…
Gingivite banale au début avec des gingivorragies fréquentes, puis évolution vers la gingivite ulcéreuse, puis parodontopathies de plus en plus graves, au fur et à mesure que la décompensation s’accentue.
Hahnemann écrivait : « Les dents se gâtent, elles se déchaussent, les gencives se rétractent et découvrent les dents.. . ».
Il est bien évident qu’entre la gingivite érythémateuse du tout début et la maladie parodontale plus ou moins grave qui motive la consultation, il s’est passé beaucoup de temps. Il est fort probable que le patient ait été suivi ou est suivi depuis cette époque lointaine pour divers troubles bucco-dentaires banales. Il est aussi certain que ce patient soit déjà traité pour des troubles nutritionnels plus ou moins graves, ou pour une hypertension artérielle avérée et parfois sévère ou enfin pour une insuffisance hépatique plus ou moins avancée.
L’abstention chirurgicale chez ces malades est la règle. Tout au plus le chirurgien-dentiste se limitera à compenser les lésions parodontales, à prescrire tel ou tel médicament à action locale. Mais tout cela ne doit pas empêcher le praticien de se pencher sur les signes présents qui confirment SULFUR :
L’appétit reste souvent conservé malgré les troubles et le régime strict qui est imposé = besoins fréquents de manger, désirs d’alcools, de café, de bière, de sucreries, souvent dégoût de la viande… Appétit souvent vite rassasié.
Abdomen rapidement ballonné après le repas avec sensation de plénitude post prandiale somnolence (mais on est loin de NUX VOMICA coléreux, irascible et actif – GRAPHITES et LYCOPODIUM s’annoncent).
Diarrhées périodiques qui soulagent la céphalée ou améliorent l’état général (il s’agit toujours d’une élimination !). Présence fréquente d’une pathologie veineuse par aggravation de la stase portale et cave = varices, plaies variqueuses, risques d’ulcères variqueux.. .), hémorroïdes brûlantes et saignantes (mais attention à leur suppression !).
Céphalées congestives ou/et migraines périodiques.
Perturbations des constantes biologiques = lithiase, cholestérol, oxalurie, urémie…
Ce patient qui autrefois se moquait des facteurs climatiques est devenu frileux, tout en craignant la chaleur, surtout confinée, en raison de nombreuses irrégularités vasculaires apparues progressivement :
Sensations de brûlure et de chaleur (aux pieds notamment = besoin de les sortir du lit)
Parties congestionnées et chaudes alors que d’autres sont froides.
Aggravation par la chaleur sous toutes ses formes car elle accentue la congestion…
Hypertension artérielle avec tendance à la sclérose vasculaire.
Crampes musculaires (les mollets la nuit ou la plante des pieds en marchant)…
Douleurs rhumatismales, voire goutteuses qui annoncent les rhumatismes.
Troubles de la fonction rénale (entre autres) = congestion rénale, pollakiurie surtout nocturne (il y a souvent un diabète gras), brûlures du méat pendant la miction, persistant après…
Bref, nous avons ici affaire à un sujet qui s’est décompensé par un mode de vie très défavorable et qui paye les conséquences dont il a été prévenu de longue date. Ce sujet n’élimine plus et pourtant il en a besoin plus qu’un autre = ses émonctoires se sont fermés par surcharge (peau, intestin, reins, séreuses articulaires). Ses troubles pathologiques autrefois sthéniques et vite surmontés laissent place à une pathologie de plus en plus chronique, lente, difficile à guérir.
Dans ce contexte, il est évident que les troubles parodontaux ne sont qu’un épiphénomène. Toute thérapeutique chirurgicale est vouée à l’échec et même pire = chez ces patients qui n’arrivent plus à éliminer, il est nécessaire de tenter de réactiver les émonctoires. Ce qui est le travail du médecin. Mais il est impératif de na pas aggraver les éliminations qui sont encore tentées par un organisme débordé. Tous les auteurs soulignent les effets néfastes des solutions trop souvent opposées aux divers troubles = sclérose des varices ou des hémorroïdes, ablation des hémorroïdes, recours trop systématique aux anti-inflammatoires ou aux corticoïdes, etc.. Le dentiste ne doit pas ajouter à cette litanie car le curetage parodontal peut être parfois considéré lui aussi comme un blocage éliminatoire.
SULFUR
Pour n'importe quel homéopathe, SULFUR évoque à juste titre le mode réactionnel psorique. Mais il est évident que son indication dans l’insuffisance rénale explique que l’on n’ait plus affaire à des sujets sthéniques, réagissant avec violence aux divers acteurs d’agression par des éliminations centrifuges, alternantes et périodiques au niveau des émonctoires cutanés, muqueux puis séreux, suivies d’une amélioration de l’état général.
C’est justement parce que les éliminations ne sont plus assurées avec la même efficacité que les grandes fonctions de l’organisme sont atteintes par des pathologies fonctionnelles d’abord, puis organiques et enfin lésionnelles. Dont l’insuffisance rénale n’est souvent q’un élément. Autrement dit, le SULFUR insuffisant rénal a perdu de sa superbe et la prescription de ce médicament pose de gros problèmes = bien choisir le moment, le faire précéder de remèdes complémentaires, souvent à visée émonctoriale, bien choisir la répétition et la dilution, etc…
Commentaire
d'Alain HORVILLEUR
CARBO VEGETABILIS
Le charbon végétal est cité au degré fort dans la présente étude et pourtant le chirurgien-dentiste n’a que très rarement l’occasion de le prescrire, à moins de bien connaître les modes réactionnels qui permettent de comprendre et de deviner une évolution fâcheuse. Pourtant les signes d’une maladie parodontale grave sont très nettement présents et tous les auteurs sont unanimes :
· « Les gencives sont rétractées, spongieuses, saignant facilement en les touchant ou même par simple succion ; elles sont très sensibles et même très douloureuses pendant la mastication ou en serrant simplement les dents. Suintement de sang aux gencives par le brossage des dents" (Phosphorus) (Lathoud).
· « Gingivite avec déchaussement et saignement, surtout au niveau des incisives inférieures ; ébranlement des dents. Ulcérations bleuâtres brûlantes, saignant. Gingivite, pyorrhée, scorbut ; stomatite ulcéreuse, aphtes, parotidites… » (Henri DUPRAT).
Lorsque ces signes buccaux sont réalisés dans toute leur splendeur, le patient se trouve en général dans un état général très atteint et le plus souvent les solutions prothétiques s’imposent. Mais heureusement, tous les patients ne viennent pas consulter à un stade aussi tardif sur le plan buccal et il ne faut pas alors manquer la prescription, pour « sauver » ce qui peut l’être encore.
Selon Henri VOISIN, les sujets Carbo veg. sont des anciens (très anciens ?) NUX VOMICA qui ont continué d’abuser largement des excès de table. Ce sont donc des « psoriques » très décompensés et il y a une certaine logique à ce que dominent largement les troubles digestifs. Mais ce qui frappe lorsque le patient entre dans le cabinet dentaire, c’est la pâleur quasi mortelle avec des sueurs froides sur le visage. Tout semble froid = l’haleine, le corps, la face, les pieds, mais ce patient qui aime être couvert du fait de sa frilosité ne supporte pas pour autant la chaleur confinée, il y a besoin d’air frais, il veut être éventé parce qu’il est en état d’hyposphyxie. Par ailleurs, il a de gros problèmes circulatoires = stases veineuses (coloration bleue des ongles ou des lèvres, ecchymoses cutanées et hémorragies capillaires au moindre choc).
Autrefois utilisé dans les états d’agonie, les sujets Carbo veg. ont de gros problèmes respiratoires = cyanose, oppression, dyspnée, râles muqueux, bronches envahies de mucosités qu’il ne peut expectorer qu’avec de grandes difficultés. De son Calcarea carbonica d’origine, il a gardé, outre la frilosité et la lenteur, une tendance aux peurs = anxiété en fermant les yeux, rêves de fantômes, de revenants, peur du noir…).
Malgré son état de faiblesse, ce sujet a gardé de Nux vomica un gros appétit avec désirs de café, d’aliments sucrés ou salés, aversion pour les graisses, la viande et le lait. Le moindre alcool provoque une brusque et intense rougeur du visage. Après les repas, il a des éructations presque constantes, rances, graisseuses ou putrides, avec une sensation d'acidité dans la bouche et à l'estomac. Et puis peu après le repas, parfois au cours de celui-ci, le patient éprouve une flatulence fétides, brûlantes avec une distension abdominale intense, le tout amélioré par des gaz. Le foie est douloureux, hypertrophié, paresseux, la stase portale a provoqué des hémorroïdes qui saignent facilement et la stase cave a suscité des varices douloureuses améliorées jambes allongées horizontalement. On pourrait continuer ainsi en passant en revue tous les organes et appareils, dont le rein et la fonction rénale qui ne vont pas bien évidemment.
Bien entendu, si par hasard, un patient répondant à ce tableau venait consulter pour ses problèmes dentaires, il est bien évident qu’aucun praticien, même ne connaissant rien à l’homéopathie, n’entreprendrait une intervention chirurgicale parodontale, d’autant moins que le simple examen dentaire ou parodontal déclenche un abondant saignement gingival = hémorragie passive et continue de sang noirâtre, décomposé, non coagulable.
Quelle peut être la conduite à tenir ? Il faut bien entendu entreprendre tout ce qui peut l’être pour supprimer ou corriger les épines irritatives locales (extraction des débris dentaires fréquents, détartrage, etc…) avec les précautions habituelles. ARNICA pour le traumatisme et CHINA pour la tendance hémorragique avec asthénie et anémie sont ici très indiqués. Mais il ne faut pas hésiter à donner CARBO VEGETABILIS 7 CH une à trois fois par semaine, avec éventuellement l’avis du médecin homéopathe s’il en consulte un.
ARSENICUM ALBUM
On nous a habitué à considérer ARSENICUM ALBUM comme un remède d’évolution vers une aggravation locale lors d’un processus inflammatoire ou générale au cours d’une maladie générale. Et il est bien vrai que ce médicament fait souvent des miracles ! Mais ces indications ponctuelles font parfois oublier qu’ARSENICUM ALBUM peut être un remède de fond, le plus souvent chez un sujet longiligne ayant longtemps réagi sur le mode tuberculinique, épuisé par des séries de troubles de plus en plus graves.
Lorsque l’on pense à ARSENICUM ALBUM, on pense presqu’exclusivement à sa toxicité qui domine sa pathogénésie et l’on oublie que l’arsenic est naturellement présent dans quelques tissus = peau, sang, cellules, glandes dont la thyroïde. Sa présence dans la peau et ses nombreuses indications en dermatologie laisse supposer son rôle dans les éliminations par la voie cutanée et évoquent des rapprochements avec SULFUR à sa phase asthénique (ou sthénique en cas de dermatose grave) et surtout avec PSORINUM dont il partage de nombreux signes (manque de réaction, frilosité, anxiété…). Roland ZISSU rappelle qu’ARSENICUM ALBUM est un dys-thyroïdien et un hypo-surrénalien (type maigre).
La toxicité de l’arsenic s’exprime en premier lieu au niveau de l’appareil digestif = gastro-entérite avec des vomissements et de la diarrhée qui peut prendre une forme cholériforme avec les risques habituels de la déshydratation consécutive. Cela explique son indication et son efficacité dans toutes les maladies infectieuses ou toxiques qui s’accompagnent d’un syndrome cholériforme. C’est un médicament qu’il est prudent d’emporter avec soi lors de vacances dans des pays à risques.
Après les signes digestifs viennent les signes urinaires puis nerveux. On note d’abord une oligurie puis une anurie avec albumine. L’atteinte nerveuse s’exprime par des paralysies flasques, l’abolition des réflexes (membres), puis par des troubles de la sensibilité nerveuse.
L’intoxication chronique permet à l’arsenic de développer une action bien plus profonde, plus insidieuse certes mais menaçante. = troubles digestifs – troubles cutanés – troubles respiratoires – troubles nerveux et in fine une atteinte profonde de la nutrition.
Voici les principaux signes de ARSENICUM ALBUM que l’on doit retrouver peu ou prou avant de la prescrire en pathologie générale et en odonto-stomatologie.
Le sujet ARSENICUM ALBUM (chronique) a une nette tendance à la cachexie d’où les traits creusés, la face maladive, les petits sacs remplis d’eau sous les paupières…
La peau est froide, sèche, ratatinée, finement squameuse.
Frilosité importante mais avec besoin d’air frais, recherche et besoin de chaleur mais crainte de la chaleur confinée (il dort bien couvert dans son lit avec la fenêtre entrouverte.
Ce qui ne peut échapper au dentiste = caractère impatient, irritable, critique, susceptible, anxieux et agité. Ses nombreuses peurs se manifestent surtout lorsqu’il est seul, il a peur de l’obscurité, des voleurs, de la mort, de la solitude. Il se croit incurable et redoute l’inutilité des soins, ce qui aggrave son anxiété et son agitation, mais celle-ci alterne avec des périodes de prostration.
C’est un sujet économe, voire avare (surtout avec l’âge par peur des vieux jours), minutieux et méticuleux jusqu’à la maniaquerie agressive.
Il est impossible de décrire ici tous les signes de ce polychreste et le recours à la matière médicale s’impose. Rappelons seulement quelques troubles que l’on peut observer au cabinet dentaire :
Au niveau de la bouche :
Sécheresse, lèvres fendillées, parcheminées, langue sèche et brûlante, papilles surélevées et douloureuses. Dans les affections aiguës = grande soif pour de petites quantités d’eau froide souvent répétées.
Gingivite ulcéreuse ou ulcéro-nécrotique = œdème, brûlures intenses améliorées temporairement par une boisson chaude et aggravées par de l’eau froide, saignement facile…
Gingivite qui peut avoir l’aspect du scorbut.
Tendance aux ulcérations, aux aphtes, tendance phagédénique.
Les dents paraissent trop longues…
Herpès, lupus, éruptions autour de la bouche…
Ces signes bucco-dentaires sont retrouvés quelle que soit par ailleurs l’état de santé de ce patient. Les troubles rénaux qui nous intéressent ici sont présents = néphrite, urines peu abondantes, tendance à l’albumine, mictions douloureuses avec brûlures de l’urètre pendant la miction, faiblesse consécutive ressentie dans l’abdomen. Il peut exister des œdèmes.
De même, il est très fréquent que le sujet Arsenicum album soit atteint d’une dermatose = peau sèche, rugueuse, écailleuse, desquamation fine comme de la farine. Toutes les éruptions provoquent des douleurs brûlantes et pruriantes, < par le froid, > par la chaleur, exacerbation entre minuit et 3 heures du matin ou en se déshabillant.
Ce patient peut avoir aussi des troubles cardiaques ou /et respiratoires (en particulier un asthme dont la crise survient souvent entre minuit et 3 heures du matin. Tous les troubles s’accompagnent toujours d’anxiété et d’agitation. Un patient calme et serein ne correspond pas à ARSENICUM ALBUM.
Commentaire
d'Alain HORVILLEUR