L'HOMEOPATHIE EN CAS DE SUPPURATION
En médecine classique, une suppuration aiguë demande le plus souvent un antibiotique, qui se montre fréquemment très efficace, et qui rassure le patient et le praticien. De plus, la prescription est facile car on peut la proposer à n’importe quel stade évolutif du processus suppuré.
Ce n’est pas le cas en homéopathie. Certes, le choix du médicament est limité car HEPAR SULFUR se montre souverain dans cette occurrence. Mais le choix de la dilution dépend justement du stade évolutif. Est-il possible de stopper le processus suppuré ? Une haute dilution s’impose par son action centripète. La collection suppurée étant réalisée, il convient de la favoriser, il faut alors une basse dilution qui a une action centrifuge. Il est parfois difficile de préciser le stade évolutif, que faire alors ? Les réponses à ces questions seront détaillées plus loin.( “ traitement homéopathique de l’abcès dentaire ”). Il convient d’abord de présenter les médicaments homéopathiques de la suppuration.
HEPAR SULFUR :
Ce médicament est préparé en calcinant en parties égales de la fleur de soufre (Sulfur) et du carbonate de chaux impur provenant de la couche moyenne de l’écaille d’huître (Calcarea carbonica). Sa pathogénésie reflète ses deux composants mais le mode de préparation explique la présence de symptômes différents de ses deux composants, qui en font un remède de fond de nombreux troubles, dont la carie dentaire et le rachitisme. Sa prescription dans un processus suppuré aigu est justifié lorsque les signes suivants sont présents :
Inflammation aiguë avec suppuration avec des douleurs violentes (la sensation d’écharde décrite dans les livres n’est pas constante lors d’un abcès dentaire).
Hyperesthésie sensorielle à la douleur = le patient ne supporte pas le moindre attouchement ou contact de la zone douloureuse (il est donc difficile d’apprécier le stade évolutif).
Aggravation par le froid et surtout les courants d’air (le patient s’enveloppe souvent la tête dans un foulard).
Amélioration par la chaleur (compresses chaudes).
Souvent le pus a une odeur désagréable qui rappelle le “ vieux fromage ” (signe inconstant dans un abcès dentaire).
Suppuration parfois chronique, que l’on oublie trop souvent.
La posologie sera expliquée plus loin au chapitre de l’abcès dentaire.
PYROGENIUM :
Il s’agit d’un biothérapique que l’on utilise en homéopathie depuis 1880 et qui est préparé à partir d’un lysat septique de viandes animales et de placenta humain. Il contiendrait des produits de dégradation, des germes variés et des substances pyrogènes. Il a fait l’objet d’une pathogénésie mais c’est surtout l’usage clinique qui a confirmé son activité dans tous les processus infectieux et suppurés : abcès, furoncles, anthrax, plaies et blessures infectées, otites, sinusites, fistules, etc....
La matière médicale ajoute :
Suite de tous états septiques avec prostration, agitation (le lit paraît trop dur), endolorissement général, sensation de meurtrissure, de courbature, de brisure.
Discordance entre le pouls et la température.
Fétidité de toutes les sécrétions et excrétions : haleine, sueurs, urines.
Autre indication = suite d’intoxication alimentaire par produits avariés (Arsenicum album).
Bien entendu, on le prescrit sur la seule notion de processus suppuré sans attendre le tableau clinique d’une grave atteinte de l’état général.
ECHINACEA ANGUSTIFOLIA :
Cette composée est utilisée empiriquement en homéopathie contre les suppurations de toutes sortes. Des études récentes ont montré que la plante fraîche avait bien une activité immunostimulante et anti-inflammatoire en basse dilution (3 à 6 DH) et immunosuppressive en haute dilution.
La matière médicale montre bien quelques signes = asthénie, adynamie, sensation d’épuisement, courbatures ressenties dans les membres. Mais il est essentiellement prescrit lors d’un processus suppuré, quel qu’il soit, soit en 4 CH, soit en 6 DH (quelques gouttes dans un peau d’eau deux à trois fois par jour), le plus souvent associé à d’autres remèdes.
CALENDULA :
Utilisée empiriquement dans les plaies infectées, cette composée (le souci des jardins) a vu, elle aussi, son action confirmée par des études récentes.
Ses différents composants expliquent une action anti-infectieuse, antibiotique, antifongique, anti-inflammatoire, etc...
On l’utilise souvent en bains de bouche (quelques gouttes de T.M. dans un peu d’eau), soit en 4 ou 5 CH deux à trois fois par jour, soit au cours et après la chirurgie dentaire à titre préventif, soit à titre curatif.
TRAITEMENT D'UN
ABCES D'ORIGINE DENTAIRE
Lorsque le patient vient consulter, la pulpopathie est au stade de la nécrose pulpaire. La cavité pulpaire est remplie d'un magma purulent, l'inflammation a gagné l'espace péri-apical. Le patient présente souvent une tuméfaction vestibulaire, parfois palatine ou linguale. Quelquefois le stade d'une cellulite péri-maxillaire est atteint avec sa volumineuse tuméfaction, si spectaculaire qu'elle inquiète le patient et parfois le praticien !
Le traitement homéopathique, associé au traitement endodontique toujours nécessaire, sera déterminé en fonction du stade évolutif de l'abcès:
Le stade congestif pré-suppuré:
Le praticien constate le contexte inflammatoire aigu et estime que le pus n'est pas encore collecté. Dans ce cas, outre l’acte opératoire, il faut prescrire un remède d'action anti-inflammatoire, souvent BELLADONA avec ses douleurs battantes, parfois FERRUM PHOSPHORICUM, ou BRYONIA, voire même APIS, le plus souvent en 4 ou 5 CH toutes les heures jusqu'à amélioration de la douleur.
PYROGENIUM 7 CH, trois granules à renouveler éventuellement une fois ou deux dans la journée peut avoir une action abortive sur la collection suppurée.
On peut y associer UNE SEULE DOSE de HEPAR SULFUR 15 CH en cas d'échec ou de résultat trop lent, soit deux heures après PYROGENIUM.
En haute dilution, à condition de ne pas le répéter trop rapidement (LATHOUD), HEPAR SULFUR a une action abortive sur la suppuration aiguë naissante empêchant la collection du pus. Mais voilà, toute la difficulté réside dans l'appréciation de cette phase. D'autant plus que le patient “ HEPAR SULFUR ” est très aggravé par le moindre toucher, il ne supporte pas la palpation, parce qu’elle est douloureuse. Et comme il ne supporte pas non plus la douleur, il est irascible, coléreux, voire agressif.
Dans le doute, il faut donner une dose de HEPAR SULFUR 7 CH et revoir le patient dans les six à huit heures qui suivent, afin de constater le résultat. Que ce soit après une dose de HEPAR SULFUR en 7 CH ou en 15 CH, lorsque la prise a été assez précoce, on constate souvent une amélioration rapide: la congestion est moins intense, le vestibule moins enflammé, s'il y avait un trismus, il est souvent amélioré, le traitement endodontique peut être entrepris dans de meilleures conditions opératoires, d’autant plus que le patient ne souffrant plus, il est devenu plus calme et coopératif.
En cas de suppuration franche :
L'abcès est là, il faut le drainer: trépanation pulpaire si possible, incision vestibulaire éventuellement. Il faut donner HEPAR SULFUR 4 CH toutes les deux heures jusqu'à la fin de la suppuration.
Précaution obligatoire: HEPAR SULFUR en basse dilution a une action considérable dans l’évacuation du pus, donc dans un sens centrifuge. Il faut donc, avant de le donner, s’assurer que la voie de drainage du pus s’ouvre vers l'extérieur, sans danger de fusée purulente dans un sens défavorable (cloisons verticales cervicales, sinus, plancher buccal, etc. ..).
D'autre part, il faut questionner le patient sur l'existence éventuelle d'un autre foyer inflammatoire ou suppuré, comme par exemple une otite ou une appendicite encore discrètes, mais risquant une fusée purulente soit dans l'oreille interne ou dans la mastoïde, soit dans le péritoine. Cette précaution est encore plus impérative chez l’enfant.
Le stade terminal:
Dans la plupart des cas, la stérilisation de la dent après l'évacuation du pus entraîne une amélioration totale. Mais chez des patients dont l'état général n’est pas satisfaisant, on peut craindre une tendance à la chronicité, il faut donner l'un des médicaments suivants:
PYROGENIUM 5 CH trois granules une à deux fois par jour pendant plusieurs jour jusqu'à la constatation d'une amélioration totale.
CALCAREA SULFURICA 4 CH lorsque la suppuration traîne un peu trop, avec un pus jaune abondant, mais beaucoup moins de signes inflammatoires, surtout chez un sujet hépatique.
ARSENICUM ALBUM 7 CH une fois par jour en fin d'après-midi pour éviter une extension locale. C'est le remède par excellence d'une évolution défavorable d'une processus nécrotique, aussi bien sur un plan local que sur un plan général.
PULSATILLA 7 CH une fois par jour lorsqu'il y a tendance à une suppuration traînante avec un pus non irritant chez un sujet timide, émotif, rougissant facilement, aux extrémités froides, craignant la chaleur bien que frileux, avec des signes variables, une bouche sèche et sans soif.
SILICEA 4 ou 5 CH (pour commencer, puis en élevant la dilution lorsque le pus diminue), remède par excellence de la suppuration traînante, chronique, interminable chez un sujet maigre, frileux, manquant de tonus, transpirant de la tête et des pieds même quand il a froid.
En cas de fistule dentaire:
Si le traitement endodontique est conduit correctement, la fistule disparaît plus ou moins rapidement. Si tel n'est pas le cas, trois médicaments peuvent être prescrits selon le contexte clinique:
Surtout SILICEA, remède de la suppuration chronique sans tendance à la guérison, sans signe inflammatoire. Remède d'élimination de corps étranger (pâte canalaire en excès dans le péri-apex). Commencer par une basse dilution d’action centrifuge deux fois par jour, puis élever la dilution jusqu'à amélioration (action lente).
FLUORIC ACID. (acide fluorhydrique) a une action élective sur la suppuration osseuse avec fistule très pruriante, pus corrosif et irritant, élimination d'esquilles osseuses. Son indication exige une similitude plus grande que les seuls signes locaux: sujet dystrophique, ne supportant pas la chaleur, ayant une tendance aux caries dentaires délabrantes, notamment par atteinte de l'émail (mode réactionnel luétique).
HEKLA LAVA (lave volcanique du Mont Hekla en Islande) est un "petit" remède (pathogénésie limitée) de suppuration osseuse plus ou moins chronique avec induration douloureuse de la zone atteinte, notamment de parodontopathies. On le donne en 5 CH une à trois fois par jour jusqu'à l'amélioration.
Le seul traitement de cette fistule est endodontique, traitement qui revient à l'évidence au chirurgien-dentiste.
Mais il est des cas où l'intervention chirurgicale s'impose pour mettre un terme à la lésion apicale. C'est ce que l'on appelle "la résection apicale", sous anesthésie locale.
En résumé:
Stade congestif: BELLADONA 4 ou 5 CH toutes les heures jusqu'à amélioration. Ou FERRUM PHOSPHORICUM ou BRYONIA ou APIS...
Pour empêcher la collection suppurée si c'est encore possible:
PYROGENIUM 5 ou 7 CH une à deux fois par jour.
HEPAR SULFUR 15 CH une seule dose, deux heures après.
En cas de doute : HEPAR SULFUR 7 CH une dose = action mixte soit vers la résolution, soit vers la suppuration franche.
En cas de suppuration franche: HEPAR SULFUR 4 CH toutes les heures jusqu'à la fin de la suppuration.
Pour éviter la chronicité: CALCAREA SULFURICA 4 CH deux à trois fois par jour, associé éventuellement à PYROGENIUM 5 CH.
En cas d'évolution vers l'aggravation: ARSENICUM ALBUM 7 CH une fois par jour (en fin d'après-midi, vers 18 heures pour prévenir l’aggravation nocturne).
Si la suppuration traîne: PULSATILLA 7 CH une fois par jour. Ou SILICEA 4 CH deux fois par jour, puis espacer les prises et élever la dilution.
En cas de fistule persistante: SILICEA 4 CH, au début puis dilutions plus élevées. Ou FLUORIC ACID. 5 CH deux fois par jour. Ou HEKLA LAVA 4 CH deux à trois fois par jour.
Remarque: en cas de suppuration chronique, il est indispensable de donner une prescription tenant compte du "terrain", ce qui implique une observation clinique complète, à la recherche des signes psychiques et généraux les plus constants.
POUR CONCLURE
Face à n’importe quel processus infectieux bucco-dentaire, le chirurgien-dentiste homéopathe doit mettre en balance les avantages et inconvénients du traitement antibiotique d’une part, d’un traitement homéopathique d’autre part.
Le traitement homéopathique se montre souvent efficace mais à condition de pouvoir apprécier avec précision le stage évolutif du processus. Alors que le traitement antibiotique « couvre » toutes les étapes d’une suppuration, le traitement homéopathie peut, selon les cas, stopper le processus en empêchant la collection du pus ou si celui-ci est déjà collecté en assurer son élimination. Se pose alors le problème du risque de fusée purulente dans les espaces clos.
Malgré sa difficulté, le traitement homéopathique offre une solution efficace, souvent très rapide, à condition de ne pas faire d’erreur sur la posologie et la répétition des prises. Enfin, le traitement homéopathique constitue une alternative intelligente à la pollution médicamenteuse trop souvent constatée ou au traitement de personnes à risque chez lesquelles les antibiotiques ne sont pas conseillés.
En conclusion, voici une observation d’infection dentaire qu’un traitement homéopathique ne parvenait pas à surmonter :
Mme A. C., 47 ans, vient consulter à la demande de son médecin homéopathe. A la suite de l’extraction banale de sa première molaire inférieure droite, une alvéolite a incité son dentiste traitant à proposer une antibiothérapie. Mais à plusieurs reprises, l’arrêt de l’antibiothérapie a été suivi par une récidive = suppuration relativement peu abondante, sans signes inflammatoires marqués, et sans tendance à la cicatrisation. Cette situation durait depuis environ 6 semaines.
Sur la notion de morphologie bréviligne grasse, le manque de réactions, la frilosité avec aggravation au froid humide, la tendance lipothymique, l’obstruction nasale nocturne et la fréquence des épistaxis, l’oppression respiratoire fréquente avec palpitations lors d’un effort physique, AMMONIUM CARBONICUM 5 CH trois fois par jour a été prescrit, avec des bains de bouche au CALENDULA. Puis une 7 CH une fois par jour, puis une 9 CH un jour sur deux. La cicatrisation a été obtenue au bout de 18 jours, sans autre suite. La suppuration s’est tarie progressivement.
Incision d'un abcès dentaire
La résection apicale